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DR Congo

Consolider la paix en impliquant les communautés locales dans des chantiers d’utilité publique

Quels sont les moyens nécessaires pour construire un pont reliant deux communautés ? 350 paires de mains, 9 mois de travaux, force et persévérance pour acheminer les matières premières, et une bonne dose de courage pour réaliser des travaux titanesques ! A Rutshuru, les communautés locales encadrées par les techniciens de l’Organisation non Gouvernementale CIPSOPA (Centre d’Intervention et de Promotion Sociale Participative) ont réussi l’exploit de construire avec les ressources humaines locales un pont au-dessus de la rivière Kilabu séparant deux quartiers : Mabundu et Buturande. Cette zone fragilisée par l’érosion a requis efforts et ingéniosité pour construire durablement un pont et ses contreforts de pierres.

« Le site du chantier a été identifié car il s’agit d’un tronçon de piste qui unit la cité et les terres agricoles. Comme l’espace était divisé par un fossé profond, les populations effectuaient un détour de 3 km pour aller travailler au champ. Cette route passant sur le nouveau pont permet également à plusieurs communautés d’accéder au centre de santé et à l’école » témoigne Jean-Paul, ingénieur du chantier. « Nous avons rencontré deux défis importants : premièrement la nature instable du sol menaçait d’érosion et provoquait des éboulements. L’équipe a dû ériger des murs de soutènement en pierres sur les bas-côtés pour stabiliser le sol en amont et en aval du pont. Deuxièmement, la disponibilité des matériaux de construction de base : nous avons dû faire venir les pierres de loin. Mais les efforts n’ont pas été vains : Ce que le pont change la vie des habitants : il raccourci le chemin pour aller à l’école, aux champs et au centre de santé. Les travailleurs engagés ont pu améliorer le niveau de vie de leurs familles grâce aux revenus générés. Des liens se sont créés entre eux et permettant de faire tomber les stéréotypes entre les uns et les autres. Je pense notamment aux bénéficiaires recrutés parmi les anciens combattants des groupes armés : ce travail leur permet d’être occupés toute la journée, d’éviter de commettre des infractions mais surtout d’être reconnus par la communauté comme des personnes utiles à la société ».

Nyato Ugendo veuve et mère de 4 enfants a travaillé sur le chantier du pont pendant plus de six mois. « L’équipe est composée de travailleurs venant de plusieurs tribus. Cela m’a permis de tisser des relations avec des personnes différentes. Avec l’épargne constituée grâce à mon travail dans la construction du pont, j’ai pu assumer les frais scolaires des enfants et avec les gains je projette d’acheter une machine à coudre pour créer mon atelier de couture »

Redynamiser le commerce au marché de Kiwanja

A quelques centaines de mètres du nouveau pont, un autre chantier de construction a débuté en juin 2016 et emploie 230 bénéficiaires. Il s’agit de la construction du nouveau marché de Kiwanja. Le travail est organisé par rotations d’équipe et les bénéficiaires sont scindés en groupes. La cité de Kiwanja compte 70 000 habitants et l’ancien marché, plusieurs fois touché par les attaques armées, n’était plus aux normes. Les vendeurs l’avaient déserté pour vendre leurs produits dans la rue en ville.

Solange a 20 ans, elle travaille à la construction du nouveau marché « Je collabore avec des ex combattants et cela se passe très bien entre nous. Les superviseurs nous encadrent et le salaire me permet d’aider mes parents et de nourrir la famille. Ce travail nous garde au cœur de la cité, ici il y a moins de risque de se faire attaquer que lorsque nous allons aux champs ». Solange travaille avec Godelieve, une veuve de 46 ans qui élève seule ses 5 enfants. « Mon mari a été tué lors de la guerre contre le M23. Depuis je suis seule pour élever les enfants et c’est extrêmement difficile. Ce travail m’a beaucoup aidée, notamment pour les frais scolaires des enfants. Avec l’épargne constituée sur le chantier, j’espère acheter une parcelle. Travailler avec des personnes qui ont également rencontré des problèmes m’a aidée à reprendre ma vie en main et à relativiser ma situation »

Bruno Kambale Matsundo est de CIPSOPA, partenaire du PNUD pour la conduite des chantiers menés à Rutshuru. « Le marché a été détérioré par les guerres et les différentes rébellions qui ont eu lieu dans la région. Avec l’appui du PNUD sous financement japonais nous sommes en train de reconstruire trois pavillons pour accueillir les commerçants et leurs clients dans de bonnes conditions. Nous utilisons l’approche du PNUD appelée approche 3x6 et nous l’apprécions pour sa composante éducation : les cours donnés le samedi matin aux bénéficiaires permettent de transmettre des valeurs de paix et de tolérance. Nous faisons travailler ensemble des personnes d’origines ethniques différentes et cela fait partie de l’apprentissage de la paix ! Ici hommes et femmes travaillent ensemble, cela permet aussi de déconstruire les stéréotypes sur le genre : tous voient que hommes et femmes peuvent effectuer les mêmes tâches et travailler avec la même efficacité sur un chantier de construction ! »

Financé par le Gouvernement du Japon, le projet conjoint « Appui à la Stabilisation de l’Est de la RDC par la réintégration des Ex-Enfants Associés aux Forces et Groupes Armés et autres enfants rendus vulnérables en territoire de Rutshuru, Province du Nord-Kivu» - CAAFAG est en cours de réalisation dans la région de Rutshru (Nord Kivu). Le projet est mis en œuvre conjointement, à travers des résultats complémentaires, par quatre agences des Nations Unies: l’UNICEF, le PAM, l’ONUFEMMES et le PNUD et deux structures nationales dont l’INPP (Institut National de Préparation Professionnel) et le BRP (Bureau de la Représentante Spéciale du Chef de l’Etat en matière des violences sexuelles). Ce projet assure la réinsertion socio-économique d’enfants, de jeunes associés aux groupes armés et de 1000 adultes parents, tuteurs et familles d’accueil. Ces derniers sont engagés sur des chantiers d’utilité publique comme ceux du pont et du marché.

Aude Rossignol