I. Contexte de l’axe évalué
Le territoire de Shabunda est l’un des plus instables de la province du Sud-Kivu. La présence de richesses minières et forestières, ainsi que son grand enclavement, font partie des facteurs favorisant l’activité des groupes armés, notamment le Front de libération du Rwanda (FDLR) et les différents groupes de Raïa Mutomboki (RM), depuis quelques années.
Initialement soutenu par la population, le mouvement RM a progressivement perdu la confiance de cette dernière, notamment en raison des nombreuses exactions dont sont constamment accusés certains de ses éléments. Cela a contribué à permettre aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) de reconquérir assez rapidement la plupart des grands axes jadis occupés par les RM (notamment près des villages de Mapimo, Kalole, Tchampundu, Lulingu, Byangama et Kigulube).
Communément appelé l’axe Nyambembe, le tronçon qui relie Lulingu à Nduma est situé au nord-est du territoire de Shabunda, dans le groupement de Bamuguba-Nord et la zone de santé de Lulingu, et comprend 15 villages (outre Lulingu) situés dans trois aires de santé : Lolo, Nyambembe et Nduma. La population est composée des ethnies Léga, Bashi et Bangubangu, et vit principalement de l’agriculture et de l’exploitation artisanale de minerais (cassitérite et coltan). Le village le plus important de l’axe (en population et en infrastructure) est Nyambembe, construit à l’époque coloniale par la Société minière du Kivu (SOMINKI). Cet axe a joui d’un calme relatif entre fin 2012 et novembre 2014, sous le contrôle du groupe RM de Juriste Kikuni. C’est à ce moment que la faction RM de Kazimoto, alors secrétaire particulier de Juriste, a décidé de s’insurger contre ce dernier. Les affrontements qui s’en sont suivis ont chassé Juriste, qui a depuis intégré les FARDC, et ont facilité l’occupation de Lulingu par les FARDC. À partir de Ntuku (à 9 km à l’est de Lulingu), l’axe a bénéficié d’un calme relatif jusqu’au 17 mars 2015, date à laquelle les FARDC ont lancé simultanément une offensive contre les positions RM défendues par Kazimoto des villages de Pula (15km de Lulingu), Lolo (18 km), Kifuko (21 km) et Nkuni (24km). Les ménages de l’axe avaient commencé en janvier 2015 à regagner leur domicile, mais ces nouveaux affrontements ont forcé la quasi-entièreté des ménages de l’axe à fuir leur village, parfois au milieu de la nuit, pour des périodes allant de quelques jours à plusieurs semaines. Fin avril 2015, l’axe était toujours sous le contrôle de Kazimoto et des ménages toujours en déplacement.
C’est dans ce contexte qu’ACTED a lancé une évaluation multisectorielle qui s’est déroulée entre le 22 et 29 avril 2015 sur les 15 villages de l’axe. Elle a combiné la récolte d’informations d’abord qualitatives via des entretiens avec des informateurs clés (autorités locales, autorités sanitaires, leaders communautaires), la tenue de 15 groupes de discussion avec les communautés retournées, déplacées et autochtones et de l’observation directe. Ensuite, des données quantitatives ont été récoltées via l’administration d’un court questionnaire individuel à un échantillon de 100 ménages (40 déplacés < 6 mois, 60 retournés < 6 mois), chaque quota ayant été choisi aléatoirement dans les villages de Pula, Lolo, Kifuko, Nkuni et Nduma.