MBUJI MAYI, République démocratique du Congo, 26 février 2013 – Les routes qui serpentent dans la cité minière de Bakwa Tshimuna, proche de Mbuji Mayi la capitale du Kasaï Oriental, et que j’emprunte pour me rendre à la mine de diamants de Matempu sont précaires, incertaines, boueuses, et bordées de trous profonds qui s’enfoncent dans la terre rouge et d’où émergent des visages juvéniles. Le reportage de la correspondante UNICEF Michelle Marrion sur la manière dont l’UNICEF épaule les initiatives lancées pour sortir les enfants travailleurs des mines de diamants en République démocratique du Congo. Regarder dans RealPlayer
On creuse même dans les zones résidentielles. Comme je contemple le terrain accidenté, creusé de trous à perte de vue, j'ai du mal à croire que nous sommes au centre de la capitale naturelle mondiale du diamant industriel, où près de quatre enfants sur dix âgés de 5 à 14 ans travaillent.
Travail et exploitation des enfants
La loi congolaise sur la protection de l’enfant fixe à 16 ans l’âge minimum au travail et interdit toutes formes dangereuses de travail et d’exploitation sexuelle des enfants. Pourtant, selon le Ministère des Mines gouvernementales, le déclin des mines administrées par le Gouvernement dans la zone est en grande partie dû au fait que près de la totalité de la production de diamants du pays est devenue de plus en plus artisanale, et ainsi plus difficile à réguler.
Nous roulons aussi loin que possible et croisons une jeune vendeuse d’épis de maïs grillés alors que nous entamons la marche vers le site minier. Diane Kimboko, chargée de la protection de l’enfance à l’UNICEF, nous explique que l’expression « Enfants des mines », ne désigne pas seulement les enfants qui travaillent à la mine, mais également ceux qui prennent soin à la maison de leurs frères et sœurs plus jeunes, afin que leurs parents puissent travailler ainsi que ceux qui tiennent des petits commerces autour des mines, qui vendent de l’eau, de la nourriture ou des faveurs sexuelles, sur tout le périmètre des sites.
Mypoi Nyambu, un membre du comité de gestion de la communauté de Bakwa Tshimuna qui travaille avec l’UNICEF sur le terrain, déclare que « les vendeurs adultes des entreprises périphériques emploient des enfants, tout spécialement des filles, pour inciter les travailleurs à venir s’approvisionner chez eux en haricots verts et foufou par exemple. Beaucoup, dans le cadre de la transaction, ont alors des rapports sexuels avec les jeunes aides ».
Un travail éreintant, pas d’éducation
Nous tournons à l’angle d’herbes hautes pour nous approcher d'un plateau sur lequel des douzaines de petits ouvriers sont occupés à travailler. Les adultes ne sont pas loin, creusant des puits pouvant atteindre jusqu’à 40 mètres de profondeur avant de trouver les couches de terre où se trouvent les diamants.
Grâce à leur petite taille, les enfants descendent plus facilement dans ces puits. Cependant sur le site, leur tâche principale consiste à porter depuis un contrefort jusqu’à un plateau les sacs de terre pour la tamiser dans des mares d'eau à la recherche des diamants.
« Les sacs qu’ils transportent sont trop lourds pour eux et peuvent causer des dommages à leurs vertèbres en pleine croissance », souligne Mypoi Nyambu.
J’ai rencontré Samuel, âgé de 14 ans, sur un autre contrefort d’où l’on extrait la terre. Il raconte qu’il a arrêté d’aller à l’école et commencé à travailler il y a cinq ans parce qu’il n’avait personne pour payer ses frais de scolarité. Samuel a le profil typique des enfants des mines : ils ont entre 5 et 18 ans et travaillent soit pour compléter le revenu familial, soit pour soutenir le foyer placé sous leur responsabilité tandis que les parents sont partis trois ou quatre mois récolter les productions qu’ils vendront ensuite sur les marchés.
Tout simplement essayer de survivre
« C’est la raison pour laquelle l’UNICEF se concentre sur la prévention et le soutien aux enfants victimes de violences et de mauvais traitements en créant des comités communautaires de protection de l’enfant et renforçant leurs capacités. De même, nous sommes tout à fait conscients de l’importance d’apporter des activités génératrices de revenus aux familles de ces enfants », déclare Diane Kimboko.
Alors que nous nous promenons sur le marché local, nous constatons que la majorité des marchands vend des récoltes de… diamants, à la place des fruits et légumes habituels sur la plupart des marchés. Une échoppe ou un stand sur deux sont des vendeurs ou experts diamantaires.
Dans l’une de ces échoppes, nous trouvons deux enfants assis sur le bureau d’un revendeur. Le diamant transparent qu’ils posent sur la table contraste vivement avec le rouge de leurs paumes, noircies par la terre qu’ils ont tamisée toute la journée. Les gemmes prennent de la valeur en passant des mains du négociant à celles du consommateur, mais pour leur travail, ces enfants ne gagnent en moyenne que deux dollars par jour.
C’est dans ces mêmes marchés et mines que Théodore Tshibangu, de l’organisation communautaire RECOPE (Réseau communautaire de protection de l’enfant), effectue son travail d’identification des enfants travailleurs.
« Papa Théo » et les membres des équipes communautaires offrent de placer ces enfants dans des programmes pour les aider à passer le cap transitoire d’une vie à la mine à celle d’un centre d’accueil de jour pour les enfants des zones vulnérables comme Bakwa Tshimuna. Les centres sont gérés par Save the Children, en partenariat avec l’UNICEF et grâce à des financements du Gouvernement du Japon.
« Ces enfants essayent tout simplement de survivre, explique Diane Kimboko. Travailler toute la journée leur laisse peu de possibilités pour autre chose. L’UNICEF et ses partenaires luttent contre les dangers physiques et psychologiques qui accompagnent le travail dans les mines, afin que ces enfants puissent retrouver le cycle normal de l’enfance, c’est à dire : aller à l’école ou en formation professionnelle, avoir une vie de famille et mener une vie d’adulte normale ».