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Analyse des systèmes de marché et des chaînes de valeur en République du Congo

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Analyse des opportunités économiques en faveur des réfugiés et des populations hôtes dans le département de la Likouala

RÉSUMÉ

Depuis avril 2021, à la demande du gouvernement, le HCR fournit une assistance technique à l'Unité de gestion du projet de protection sociale Lisungi, pour soutenir la mise en oeuvre du déploiement, en particulier dans le département de la Likouala, où le HCR est présent depuis longtemps pour soutenir les réfugiés et les communautés d'accueil.

Le projet inclut des transferts monétaires répartis entre deux composantes visant à la subsistance ainsi qu’au développement d’activités génératrices de revenus. L’objectif des transferts monétaires ‘AGR’ est d’accroitre la productivité et l’accès au crédit, de promouvoir et donner aux destinataires les moyens d’agir par le biais de la fourniture des activités génératrices de revenus, ainsi que des mesures d’accompagnement notamment : i) l’achat d’intrants pour la culture de jardin et l’agriculture de subsistance ; ii) la constitution de groupes d’épargne ; iii) l’adoption d’autres moyens de production et ou de subsistance, notamment l’achat de petits matériels, la promotion des techniques améliorantes de jachère et iv) des activités de renforcement des capacités.

Compte tenu de la complexité et de la durée de nombreuses situations de déplacement forcé d'aujourd'hui, qui se produisent souvent dans des contextes fragiles, le modèle humanitaire d’assistance ne parait pas viable à long terme et les déplacements forcés nécessitent une réponse de développement afin de lutter contre la pauvreté et autres défis de développement de manière durable et inclusive. C’est dans cette optique que le HCR a recruté un consultant afin de fournir des apports techniques et conseils pratiques aux parties prenantes du projet, notamment pour aider à (i) l’identification des goulots d’étranglements, (ii) proposer des solutions idoines et innovantes qui mettent l’accent sur la durabilité, (ii) appuyer le système de suivi évaluation, (iv) développer le matériel de formation, et (v) offrir des activités et des exercices de formation/renforcement des capacités aux formateurs (« coach ») du partenaire de mise en oeuvre chargés d'accompagner les bénéficiaires dans la préparation et la mise en oeuvre du projet.

Le programme Lisungi prévoit d’appuyer deux (2) catégories d'AGR :

  • AGR individuelles : Elles sont exercées par un individu (ou un ménage éligible, bénéficiaire ou non de transferts monétaires) ;
  • AGR en groupe : Elles sont exercées par un groupe de ménages, bénéficiaires ou non de transferts monétaires (ou plusieurs familles) qui mettent ensemble les actions autour d'une activité. Cet appui a permis de pallier la faible analyse des filières par les partenaires afin d’évaluer les contraintes et goulots d’étranglements existants susceptibles d’entraver l’inclusion socio-économique des réfugiés et des populations hôtes. Une analyse sectorielle et des chaînes de valeurs de certains produits apparait nécessaire afin d’amener les bénéficiaires à s’inscrire durablement sur des filières porteuses.

L'objectif général de l’étude est de réaliser une analyse des systèmes de marché, comprenant deux analyses distinctes mais interdépendantes : (i) une évaluation socio-économique, ayant pour but d’établir un aperçu du profil du groupe cible (notamment les réfugiés et des populations d’accueil) et d’analyser l'environnement juridique et les fonctions d’appui disponibles pour les réfugiés et populations locales; (ii) une analyse de système de marché et, de trois, chaînes de valeur les plus porteuses : évaluer le potentiel de croissance, de cohésion sociale et de création d’opportunités d’affaires et d'emploi des filières sélectionnés.

L’étude a ainsi permis d’identifier des opportunités d’intervention pour le projet Lisungi et son partenaire UNHCR, notamment dans le développement des transferts monétaires AGR de groupe (TMAGR).

La méthodologie développée dans le Guide des Interventions d’Appui aux Moyens de Subsistance Axées sur le Marché en Faveur des Réfugiés (HCR, BIT, 2017) a été la principale démarche méthodologique pour la conduite de l’étude. Elle permet de faire une analyse systémique de marché (qui va au-delà d’une analyse classique de l’offre et de la demande) et s’inscrit dans une approche plus globale d’analyse de l’ensemble de l’écosystème (fonctions de soutien, règles et règlementations) qui entoure le marché afin d’identifier les meilleures opportunités d’intervention en faveur des réfugiés et des populations d’accueil. Les questionnaires de ce guide ont été, d’une part, adaptés au contexte du groupe cible de la région de la Likouala et, d’autre part, complétés à travers l’expérience de l’équipe terrain.

En lien avec la dimension socio-économique, l’étude a permis de :

  • Établir un aperçu du profil des réfugiés et population d’accueils (Pacs) selon un certain nombre de caractéristiques : démographique, provenance, raison de déplacement, ethnie, langue, niveau d’instruction, expérience, moyen d’occupation actuelle, aspiration. Au 31 juillet 2022, on dénombre 36852 refugiés venant principalement de la RCA, de la RDC et du Rwanda. Avant leur déplacement, leurs principales activités étaient l’agriculture, l’élevage, le commerce et la pèche.
  • Analyser la cohabitation entre réfugiés, et communauté d’accueil. Il est ressorti des enquêtes menées auprès des réfugiés, les autorités communales (élus et agents) et la communauté d’accueil que les rapports sont globalement très bons. Un certain nombre d’indicateurs explique cela, à savoir : l’absence de conflits majeurs entre communauté d’accueil et réfugiés ; de nombreux réfugiés ne sont pas dans des camps( seules 2972 familles, soient 8443 femmes et hommes le sont) mais dans les villages et participent aux activités des communautés locales ; participation mutuelle aux évènements sociaux ; absence de barrières spécifique à l’accès aux services sociaux de base existant (école, santé, eau, etc.) et aux ressources naturelles ( pour la terre, moyennant location); etc.
  • le cadre normatif relatif au droit d’asile au Congo actuel relatif à la protection des réfugiés au Congo continue à souffrir, de manière structurelle, de plusieurs faiblesses essentielles à savoir :(i) L’absence de vulgarisation de la loi de 2021; (ii) L’absence du décret d’application de la Loi de 2021 ;(iii) le manque d’autonomie du CNAR ; (iv) La mauvaise perception des réfugiés par les acteurs étatiques (encore perçus comme des « charges » ou des « éternels bénéficiaires d’assistance » au lieu d’être considérés comme de « potentiels acteurs économiques ») ; et (v) Le manque de volonté politique (et/ou de ressources) pour le développement des zones enclavées où vivent l’essentiel des populations réfugiées au Congo ;
  • De même pour les réfugiés, il existe plusieurs instruments internationaux et nationaux qui régissent la protection des réfugiés : Au niveau international, Il s’agit de : (i) Convention de 1951 et le protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés sont les principaux instruments du droit international des réfugiés ; (ii) la Convention de l’OUA de 1969 et (iii) la Déclaration de Carthagène de 1984 ; Au niveau national, on mettra l’accent sur, (iv) la Constitution congolaise 2015 (droit d’asile art 21, préambule) ; le (vi) le Décret No. 1978-266 du 1978 portant création d'un Comité National d'Assistance aux Réfugiés (CNAR) et Arrêtés sur les deux commissions (Éligibilité et Recours) et la (vii) Loi n° 41-2021 du 29 septembre 2021 fixant le droit d’asile et le statut de réfugié.

Le principal constat qui se dégage est la méconnaissance de l’ensemble de ces instruments par les acteurs au niveau local et en particulier par les réfugiés, toute chose qui les prive de la possibilité de faire valoir leurs droits et d’accéder aux services même en cas de violation.

Enfin sur le social et local, seules quelques formes mineures de préjugés, de discrimination due aux normes sociales ont été signalées par les différents acteurs (autorités communales, réfugiés) lors de nos enquêtes.

Au niveau de disponibilité et l’accès des réfugiés aux services de soutien (information, formation, financement, etc.), l’on note de manière générale, l’accès aux services de soutien est très limité aux réfugiés. En effet, l’étude a montré en exergue, qu’en dehors des appuis du projet d’assistance multisectorielle de l’UNHCR/AAREC, CNAR/TSF/Lisungi/AAREC/PAM/UNFPA aux réfugiés, il n’existe quasiment pas d’intervenants ou d’autres formes d’accompagnement qui facilitent l’accès des réfugiés aux différents services de soutien qui puissent les permettre de mettre en place des activités économiques ou de trouver un emploi décent.

En lien avec la dimension analyse des systèmes de marché et de chaînes de valeur, sur un échantillon de 136 personnes, l’étude a permis de confirmer les trois secteurs principaux qui intéressent les ménages sont l’agriculture (73%), l’élevage (13%) et le commerce (9%) à Enyelle, alors qu’a Betou la tendance est successivement, 27%, 36% et 29%. Elle a aussi permis d’identifier trois chaînes de valeurs (potentiellement porteuses) sur une demi-douzaine pour la région, telle que manioc, mais, arachide. Les filières poulet/oeuf, la transformation de lait et le maraichage (oignons) ont ici été retenues.