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Colombia

Mission de vérification des Nations Unies en Colombie - Rapport du Secrétaire général (S/2024/968)

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I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 2754 (2024), par laquelle le Conseil de sécurité a reconduit le mandat de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, et de la résolution 2366 (2017), par laquelle il m’a prié de lui faire rapport, tous les 90 jours, sur l’exécution du mandat de la Mission. Il couvre la période allant du 27 septembre au 26 décembre 2024.

II. Principaux faits nouveaux

2. La période à l’examen a été marquée par des actes de commémoration du huitième anniversaire de la signature de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable, lequel a permis de clore plus de cinq décennies de conflit opposant le Gouvernement aux anciennes Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP). Le 21 novembre, le Président colombien, Gustavo Petro, des représentants des anciennes FARC-EP, des responsables des autorités nationales, des organisations de la société civile et des représentants de la communauté internationale ont participé à une grande cér émonie à Bogota. La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary A. DiCarlo, y représentait le Secrétaire général.

3. Les parties ont réaffirmé leur attachement à l’Accord final tout en exprimant leurs préoccupations quant à l’avancement de sa mise en œuvre. Dans sa déclaration, le Président Petro a souligné que la réforme rurale intégrale resterait une priorité pour son Gouvernement. Le Président a reconnu que, depuis la signature de l’Accord final, les progrès sur ce chapitre avaient été limités et a demandé au Congrès de légiférer en vue d’accélérer la distribution des terres. Il a fixé un objectif de 600 000 hectares à attribuer aux paysans, aux femmes rurales et aux victimes d’ici la fin de l’année 2025, afin de se rapprocher de l’objectif global fixé dans l’Accord final, qui se chiffre à 3 millions d’hectares de terres à redistribuer. Le dirigeant du parti politique des Communs (anciennes FARC-EP), Rodrigo Londoño qui représentait l’autre partie signataire, a déclaré que l’Accord final constituait une feuille de route pour l’édification d’une paix durable et qu’il servait de référence à l’internationale. Il a toutefois déploré le nombre d’ex-combattants des FARC-EP tués depuis son adoption ainsi que les milliers de personnes déplacées à l’intérieur du pays. La Secrétaire générale adjointe a dit que le monde partageait l’espoir et la foi placés par la Colombie dans la paix. Elle a félicité les parties et la société civile pour leur engagement, a rendu hommage aux victimes, aux ex-combattants tués et aux femmes qui œuvrent pour la paix, et a relayé l’appel lancé par le Secrétaire général à la population colombienne pour qu’elle persévère malgré les revers.

4. Le 22 novembre, pour la première fois depuis la signature de l’Accord final, les parties ont annoncé la révision du plan-cadre de mise en œuvre de l’Accord final, y compris la révision des indicateurs et des échéanciers de mise en œuvre. Il s’agit du fruit des travaux menés à la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’Accord final. Le système de 80 indicateurs d’évaluation des progrès et de planification du plan-cadre a été adapté aux réalités actuelles et se concentre sur les résultats et l’impact sur le terrain. Les parties ont également débattu de la possibilité de prolonger le calendrier de mise en œuvre actuel, sous réserve de l’approbation du Congrès.

5. En octobre, le Ministre de l’intérieur, Juan Fernando Cristo, a officiellement présenté le plan d’action rapide visant à accélérer la mise en œuvre de l’Accord final, annoncé en juillet par le Président Petro et le Ministre des affaires étrangères Luis Gilberto Murillo lors de la séance du Conseil de sécurité sur la Colombie. Le plan s’articule en six axes : l’établissement de pactes entre les autorités nationales et locales pour accélérer la mise en œuvre des programmes de développement territorial ; la priorité donnée à la réforme rurale intégrale ; un programme législatif visant à accélérer le processus ; le renforcement du Système général de sécurité pour l’exercice de la liberté politique ; la mise en œuvre des dispositions de l’Accord final visant à extirper toute violence dans la vie politique ; l’attribution des rôles et responsabilités concernant la mise en œuvre du plan d’action rapide.

6. Les efforts déployés par la Colombie pour consolider la paix au fil des ans ont continué de constituer une source précieuse de connaissances et d’expériences en matière de consolidation de la paix et de règlement des conflits, le pays ayant accueilli plusieurs manifestations d’envergure internationale. On peut citer notamment la seizième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, qui s’est tenue à Cali (Colombie) du 21 octobre au 1 er novembre, le Gouvernement ayant choisi de la consacrer au thème « Faire la paix avec la nature ». Le Secrétaire général, qui a participé à la réunion du 28 au 30 octobre, s’est félicité des efforts du Gouvernement pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord final et a salué l’engagement continu et ferme des ex-combattants des FARC-EP. En novembre, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Pramila Patten, a participé à la première Conférence ministérielle mondiale sur l’élimination de la violence contre les enfants, qui s’est tenue à Bogota. Elle a souligné qu’il était urgent que les personnes survivantes de violences sexuelles liées aux conflits accèdent à la justice et a mis en avant l’importance de la prévention, de la protection et des garanties de non - répétition. En décembre, le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés créé en application de la résolution 1612 (2005) s’est rendu dans le pays pour assurer le suivi de ses recommandations et recueillir des informations de première main concernant les enfants et les conflits armés.

7. Le 30 novembre, la Colombie a lancé son premier plan d’action national sur les femmes, et la paix et la sécurité, élaboré dans le cadre de consultations menées dans l’ensemble de la société et soutenu par l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), la Mission de vérification et d’autres organismes, fonds et programmes des Nations Unies. Sont définis dans le cadre stratégique décennal du plan des domaines thématiques, des résultats ciblés et des mesures spécifiques pour les entités gouvernementales. Les principaux thèmes recouvrent l’accès à la justice, la prévention de la violence fondée sur le genre et l’aide aux femmes déplacées et aux réfugiés, y compris des garanties pour les femmes autochtones et d’ascendance africaine. Les Ministères des affaires étrangères, de l’égalité, de la défense et de l’intérieur ainsi que l’Unité de mise en œuvre de l’Accord final ont été chargés de coordonner la mise en œuvre et le suivi du plan, de produire des rapports d’étape annuels et d’organiser des consultations semestrielles avec les organisations de femmes. Il sera capital, pour que le plan soit correctement mis en œuvre, qu’il reçoive les fonds suffisants et qu’il remporte une forte adhésion locale.

8. Le Gouvernement a poursuivi les dialogues simultanés avec neuf acteurs armés dans le cadre de sa stratégie complémentaire aux efforts de mise en œuvre de l’Accord final. Des pourparlers de paix se sont tenus en parallèle avec des groupes que le Gouvernement considère politiques par nature : l’Armée de libération nationale (ELN) ; les factions du groupe connu sous le nom d’Estado Mayor Central Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia-Ejército del Pueblo (EMC FARC-EP) qui sont restés dans le processus de dialogue et qui s’identifient désormais comme Estado Mayor de los Bloques y Frentes ; le groupe Segunda Marquetalia – qui a connu une scission au cours de la période considérée, ce qui a donné lieu à des négociations avec une faction dénommée Coordinadora Nacional Ejército Bolivariano ainsi qu’avec les Comuneros del Sur dans le département de Nariño. Les pourparlers avec les organisations criminelles – « dialogues socio-juridiques » visant à favoriser leur éventuelle soumission à la justice – se sont poursuivis dans les villes de Buenaventura, de Medellín et de Quibdó. Le Gouvernement a pris des mesures initiales de renforcement de la confiance avec les Autodefensas Gaitanistas de Colombia – également connues sous le nom du Clan del Golfo – et avec les Autodefensas Conquistadoras de la Sierra Nevada.

9. Au cours de la période considérée, le Gouvernement et l’ELN ont tenu deux réunions extraordinaires à Caracas après une interruption de six mois (voir par. 72). Les affrontements armés entre les parties se sont poursuivis en l’absence de cessezle-feu, ce qui a causé de nombreuses victimes chez toutes les parties et qui a pesé sur les communautés rurales, en particulier dans les départements d’Antioquia, de Arauca, de Chocó et du Norte de Santander (voir par. 73). Les parties sont convenues de se réunir à nouveau en janvier 2025 pour dépasser les divergences et retrouver la voie des négociations sur un accord de cessez-le-feu renforcé et pour poursuivre le processus de participation (voir par. 72).

10. Nonobstant les efforts de paix en cours, les conflits entre groupes armés et les affrontements avec les forces de sécurité publique se sont poursuivis dans plusieurs régions, à la suite de la suspension ou du non-renouvellement des accords de cessezle-feu. Ces conflits étaient concentrés dans des régions historiquement touchées par la violence, notamment les départements suivants : Antioquia, Arauca, Bolívar, Caquetá, Cauca, Chocó, Meta, Nariño, Norte de Santander, Putumayo et Valle del Cauca.

11. Dans les départements où la présence de l’État est limitée et où règne l’économie illégale, la dynamique conflictuelle varie. Dans certaines régions du nord-ouest du pays, les Autodefensas Gaitanistas de Colombia ont connu une expansion notable. La région du sud-est a été principalement affectée par les conflits entre l’Estado Mayor de los Bloques y Frentes et les factions de l’EMC FARC-EP qui ont choisi de quitter la table des négociations de paix, rompant ainsi l’accord de cessez-le-feu avec le Gouvernement, et par les affrontements entre l’Estado Mayor de los Bloques y Frentes et Coordinadora Nacional Ejército Bolivariano, en particulier dans le département de Putumayo. La plupart des affrontements entre l’EMC et les forces de sécurité publique ont eu lieu dans la région du sud-ouest du pays. Les affrontements armés se sont poursuivis entre les forces de sécurité publique et l’ELN dans les départements de Arauca et du Norte de Santander, après expiration de l’accord de cessez-le-feu le 3 août (voir par. 73). Les cas de recrutement d’enfants et d’utilisation de mines antipersonnel ont augmenté. Les conflits ont provoqué des cas supplémentaires de séquestration et de déplacement des civils, en particulier dans les régions du nord et du nord-est d’Antioquia. Les communautés rurales et les organisations de la société civile ont renouvelé leurs appels lancés à l’État afin que celui-ci redouble d’efforts pour remédier à la situation.