GOZ BEIDA, 29 décembre 2009 (IRIN) - Quelques jours après l'attaque d'un convoi des Nations Unies dans l'est du Tchad, les travailleurs humanitaires et les responsables de la sécurité discutent des moyens de prévenir les enlèvements et les vols de voiture qui persistent malgré la présence d'une force de maintien de la paix des Nations Unies qui représente un investissement de plusieurs millions de dollars.
Depuis mars, près de 3 000 hommes formés par les Nations Unies et originaires d'un peu partout dans le monde travaillent en collaboration avec l'armée et la police tchadienne afin d'améliorer la sécurité près des camps, o=F9 sont accueillis plus de 500 000 réfugiés et Tchadiens déplacés par les combats au Soudan, en République centrafricaine et au Tchad.
En 2009, des hommes armés ont volé des dizaines de véhicules appartenant à des organisations humanitaires. Ils ont également tué un chauffeur et un fonctionnaire et gardent toujours en otage un travailleur humanitaire enlevé le 10 novembre dernier.
Le 21 décembre, des bandits ont tenté d'enlever deux prestataires de services des Nations Unies et de voler un véhicule civil voyageant dans un convoi des Nations Unies accompagné d'une escorte de sécurité tchadienne.
Pénurie d'escorte de sécurité
Vu la situation sécuritaire du Tchad, les Nations Unies exigent que leur personnel humanitaire soit accompagné d'escortes de sécurité.
Laurette Mokrani, responsable du bureau de l'Agence des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) à Goz Beida, à 220 kilomètres au sud d'Abéché, qui sert de siège à plusieurs organisations humanitaires, a expliqué à IRIN qu'il était de moins en moins facile d'agir rapidement compte tenu de la difficulté d'obtenir une escorte. « Avant, lorsqu'il y avait une urgence sur le terrain, on pouvait envoyer une équipe immédiatement, ce qu'on ne peut plus faire maintenant si on n'obtient pas d'escorte ».
En octobre, au cours de la plus récente campagne de vaccination contre la poliomyélite, supervisée par l'UNICEF et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les demandes d'escortes militaires et policières sont restées sans réponse pendant des semaines, selon l'expert de l'OMS pour la surveillance de l'est du Tchad, Mohammed Mohammedi.
Les hommes ne sont pas assez nombreux pour répondre à toutes les demandes d'escortes, a dit Gavin Egerton, agent de liaison pour la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT). M. Egerton effectue des patrouilles dans et autour de Goz Beida. « Il faut jongler avec ce que nous avons. Même si nous n'escortons qu'un seul véhicule, nous avons besoin de près de 50 personnes - au moins une section [35] - et de quatre véhicules blindés APC afin de fournir une couverture suffisante. Nous essayons de répondre au plus grand nombre de demandes possible en fonction de notre plan de patrouille ».
Moitié moins d'hommes
Le commandant adjoint de la MINURCAT, Ger Aherne, a dit à IRIN qu'il était préférable de n'avoir pas assez d'hommes que de n'avoir aucune force sur le terrain. « Si nous n'étions pas là, il y aurait un vide sécuritaire. Qui s'occuperait de faciliter les interventions humanitaires ? »
Le budget annuel de la MINURCAT - établi pour une force équivalente à près du double de celle actuellement sur le terrain - est de 691 millions de dollars. Mais même les 5 200 hommes prévus au départ ne suffiraient pas à assurer la sécurité dans l'est du Tchad, selon M. Aherne. « La zone que nous devons couvrir fait 1 000 kilomètres par 450 kilomètres - croyez-vous vraiment que 5 200 ou même 10 000 hommes pourraient assurer parfaitement la sécurité d'un territoire aussi vaste ? »
Comme le soulignait le groupe de réflexion et de formation français Urgence - Réhabilitation - Développement (URD) dans un document de travail sur l'espace humanitaire dans l'est du Tchad : « Les escortes armées ne peuvent offrir une protection absolue et pourraient même créer... un risque accru de violence. En effet, le DIS [Détachement intégré de sécurité, une unité de police tchadienne formée et financée par les Nations Unies] a été attaqué à plusieurs reprises ».
Selon le directeur du groupe URD, François Gr=FCnewald, la MINURCAT devrait éviter les convois coûteux et utiliser plus souvent de petits avions. « [La lutte contre] le banditisme exige de la mobilité, et non pas une section d'armes lourdes qui serpente à travers le désert ».
M. Aherne a dit à IRIN que la MINURCAT pouvait, si elle était avisée d'avance, organiser un déploiement préventif pour les interventions humanitaires en sécurisant une zone et en la plaçant sous surveillance avant même l'arrivée des travailleurs humanitaires. La mission pourrait ainsi se déplacer sans escorte.
Impunité
Selon M. Aherne, le véritable problème, c'est l'impunité. « La responsabilité de la sécurité au Tchad repose sur le gouvernement tchadien... Il doit y avoir un meilleur système de justice et de meilleures politiques ».
Selon le représentant militaire du gouvernement auprès des ONG, Yaya Oki Dagashe, les menaces à la sécurité ont été exagérées. « Vous [les médias] répétez toujours qu'un bandit a volé une voiture, qu'un autre a volé autre chose - cela ne veut pas dire que la situation est incontrôlable ». Il a indiqué qu'en plus des forces des Nations Unies, de la police tchadienne et de la police militaire, le Tchad avait déployé des forces armées à la frontière. « Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éradiquer la criminalité ».
Toutefois, selon le directeur du groupe URD, M. Gr=FCnewald, l'impunité est largement répandue. « Elle prend sa source dans les allégeances ethniques, le banditisme organisé, la délinquance, l'insurrection politique et les vendettas fondées sur l'honneur. Ce que certains voient comme du banditisme, d'autres le considèrent comme de l'honneur ».
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