1.1 Aperçu de la crise
Le Tchad continue à faire face à une crise humanitaire multidimensionnelle et prolongée qui s’exacerbe, avec plus d’un tiers de la population qui a besoin d'une assistance humanitaire. Les conflits armés entraînant des déplacements forcés de population, l'insécurité alimentaire et nutritionnelle, les urgences sanitaires et les conséquences des aléas climatiques demeurent les quatre principaux moteurs des besoins humanitaires au Tchad. Cette crise associée aux tensions socio-économiques et politiques dans les pays frontaliers impacte durement les personnes les plus vulnérables.
La situation humanitaire résulte des causes conjoncturelles et structurelles dans un contexte de sous-développement, des chocs climatiques et des crises économiques qui en sont des facteurs sousjacents. Le pays figure parmi les moins développés avec une valeur très faible de 0,398 (2019) bien que son indice de développement humanitaire (IDH) ait augmenté de 34,6% depuis 2020.
L’instabilité sécuritaire dans les pays de la région et limitrophes au Tchad (Soudan, RCA et Libye) reste un facteur de sécurité et d’aggravation des vulnérabilités des populations au Tchad. Depuis le déclenchement des conflits armés au Soudan en avril 2023, plus de 500 000 réfugiés soudanais sont accueillis à l'Est du Tchad. En plus, le retour de plus de 100 000 Tchadien aggravent les vulnérabilités locales. La partie nord de la RCA reste en proie à l’activisme des groupes armés et aux opérations militaires contre ces groupes, limitant le retour de plus de 121 000 réfugiés centrafricains et occasionnant le déplacement des nouveaux réfugiés à leur pays d'origine. La présence des groupes armés non étatiques dans la région du Bassin du Lac Tchad est une entrave au processus de stabilisation de la région et de la situation sécuritaire dans la province du Lac.
En 2024, le contexte humanitaire pourrait être marqué par des défis sécuritaires importants tels que la menace des groupes armés non étatiques au Lac, les conflits inter et intra-communautaires dans plusieurs provinces et des conflits armés au niveau régional.
Si les conflits se poursuivent ou s’intensifient, le nombre de réfugiés, de retournés et de déplacées internes au Tchad pourrait augmenter entrainant une pression supplémentaire sur les ressources locales et humanitaires. Le Tchad est également confronté à des défis environnementaux liés au changement climatique, notamment la désertification, les sécheresses et les inondations récurrentes. Ces problèmes pourraient aggraver l’insécurité alimentaire et la malnutrition.
L’assistance humanitaire et les efforts de préventions et de solution des conflits seront essentiels pour atténuer les éventuelles crises et améliorer la situation humanitaire du Tchad en 2024.
Conflits et déplacements forcés de populations
Différents conflits au Tchad et dans les pays voisins ont eu un impact sur la situation humanitaire au Tchad. Entre janvier 2022 et novembre 2023, le Tchad a connu un peu plus de 362 incidents sécuritaires qui vont de conflits inter et intra-communautaires aux actes de violence des groupes armés et autres affrontements. Ces incidents ont malheureusement coûté la vie à plus de 1 748 personnes. Dix-neuf des vingt-trois provinces du pays ont été concernées par ces violences. Cependant, quatre provinces seulement concentrent à elles seules 54% des incidents et plus de 82% des victimes. Il s’agit du Tibesti, du Lac, du Logone Oriental et du Guerra. Les victimes de ces violences sont constituées pour 18% de personnes civiles et ont pour conséquences des déplacements massifs de populations Tchadiennes vers d’autres localités du pays et en dehors du pays.
La crise soudanaise continuera d’avoir un impact sérieux sur la situation humanitaire à l’est du Tchad
Cette situation s'est aggravée depuis l’éclatement du conflit armé au Soudan, le 15 avril 2023, lorsque des milliers de personnes ont affluées à l’est du Tchad notamment dans les provinces du Ouaddaï, du Wadi-Fira et du Sila. Au 04 janvier 2024, 496 834 réfugiés et 131 425 retournés Tchadiens ont été dénombrés dans ces trois provinces, avec une forte concentration dans la localité frontalière d’Adré (Ouaddaï) où 345 716 réfugiés étaient accueillis. Ces personnes fuient les affrontements au Darfour dans un état de grande vulnérabilité et s’ajoutent aux plus de 598 000 réfugiés et autres demandeurs d’asile déjà installés au Tchad depuis plusieurs années et qui dépendent entièrement de l’aide humanitaire. Ainsi, le Tchad, malgré la récurrence des crises humanitaires aggravées par son statut d’un des pays les plus pauvres au monde, fait partie des sept (07) pays qui reçoivent le plus grand nombre de réfugiés au monde avec 1 074 617 de personnes en novembre 2023. En 2024, UNHCR estime qu’au moins 250 000 nouveaux réfugiés soudanais pourraient arriver au Tchad à la suite de la persistance des conflits.
Les conflits inter et intra-communautaires demeurent un facteur de risque occasionnant les déplacements forcés des populations
Plusieurs provinces sont touchées par les conflits inter et intra-communautaires et surtout la partie sud du Tchad, qui continue de connaître plusieurs cas de violences en raison de la dégradation de la situation sécuritaire en République centrafricaine (RCA), occasionnant des incursions de groupes armés dans les zones frontalières. Depuis le mois de mars 2023, des attaques ciblant les sous-préfectures de Békan, de Bessao, de Larmanaye et de Goré, faisant plusieurs blessés et des morts de civils, ont poussées 38 764 personnes à se déplacer vers des sites d’accueil spontanés. Ces incidents de sécurité ciblant les personnes civiles se traduisent par des embuscades, des vols de bétails et d’autres biens de subsistance. En plus de ces faits, la zone sud est principalement gangrénée par des conflits inter et intra-communautaires. Au mois de mai 2023, plusieurs incidents dans les départements du Nya Pendé, Monts de Lam et Kouh Ouest dans la province de Logone Occidental ont été notifiés. Au moins 1 025 maisons dans 23 villages ont été détruites et plusieurs personnes tuées poussant plus de 26 227 personnes au déplacement. Ces déplacés ont trouvé refuge dans les abris de fortune et dans les centres communautaires (écoles, églises, lieux publics) nécessitant une aide d’urgence. Dans plusieurs autres localités, des incidents de protection continuent d’être relayés, dont des meurtres/homicides, des agressions physiques, des enlèvements, des pillages, des incendies, des vols de biens, des cas de violences basées sur le genre et d’autres types non répertoriés faute d’un mécanisme de monitoring de protection sur le terrain.
La présence des groupes armés non étatique demeure un facteur de risque sécuritaire contre la population de la province du Lac.
La situation dans la province du Lac reste préoccupante du fait des incursions répétées des groupes armés non étatiques dans les villages, contraignant les populations à se déplacer. Bien que l’analyse de tendance annuelle des incidents de protection révèle une légère diminution en 2023 des cas par rapport à 2022 avec 1 500 incidents notifiés entre janvier et octobre 2023 contre 1 594 incidents notifiés à la même période de 2022, seul le mois de juillet 2023 a enregistré plus de 137 incidents de protection dans la province du Lac. Ceci représente une augmentation significative par rapport aux six premiers mois de l'année, au cours desquels 336 incidents avaient été recensés. Deux facteurs importants ont été liés à cette situation : l'activisme accru et les conflits entre les groupes armés non étatiques (GANE) dans la zone, ainsi que le manque de financement pour les activités humanitaires, ce qui ont entrainés des mouvements de populations.
Les résultats de l’analyse de suivi des mouvements de population de l’OIM, Displacement Tracking Matrix (DTM), finalisés en juin 2023 ont révélé la présence de 255 000 personnes en déplacement interne, parmi lesquels se trouvent 215 674 personnes déplacées internes (PDI), 22 893 retournés venus de l’étranger et 20 947 retournés anciens PDI. La sous-préfecture de Liwa compte le plus grand nombre de personnes déplacées (77 729), suivie de Ngouboua (48 079) et de Baga-Sola (42 761). Le conflit, en plus de créer un afflux de personnes vulnérables au Tchad, impacte négativement à plusieurs égards les contextes sociaux, économiques et environnementaux du pays. En effet, les populations hôtes subissent des pressions en raison du partage des ressources naturelles et des services sociaux de base.
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