Un enfant sur quatre malnutri à Biltine.
Tchad | 08 mai 2012
La nourriture et l’eau se font rares dans la ville de Biltine, à l'est du Tchad. Les réserves alimentaires de certaines familles ne leur permettront que de tenir deux semaines. Par conséquent, le taux de malnutrition parmi les enfants est en augmentation. D’autres régions du pays sont confrontées à des cas de rougeole et à une épidémie de méningite.
Même lors d’une « bonne » année agricole au Tchad, de nombreuses personnes peinent à maintenir un stock de nourriture suffisant durant la période de soudure qui s’étend d’avril à septembre, et des milliers d'enfants souffrent de la malnutrition. Mais 2012 ne sera pas une bonne année. L'année dernière, les pluies ont été faibles, et le prix des denrées alimentaires est à la hausse. Selon le ministère de l'Agriculture, l’augmentation est presque de 25 pour cent par rapport à l’année dernière, à la même période. Au Tchad, comme dans d’autres pays du Sahel, il suffit de pluies moins fréquentes que la moyenne ou d’un prix des denrées alimentaires plus élevé que la normale pour plonger des régions entières dans une crise nutritionnelle majeure.
Tchad © Andrea Bussotti/MSF Un employé de MSF examine un jeune patient malnutri dans le district de Yao.
Réduire le nombre de repas
À Biltine, certains foyers atteignent déjà la fin de leurs réserves alimentaires. « Beaucoup de familles ont assez de nourriture pour deux semaines tout au plus et ont dû réduire leur nombre de repas quotidiens », précise Kodjo Edoh, médecin et chef de mission de MSF au Tchad. « La nourriture consommée est également moins variée. »
La région est aussi confrontée à une pénurie d’eau. « Certaines personnes doivent marcher pendant plus de sept heures pour aller chercher de l'eau », explique le Dr Edoh. « C’est très inquiétant : la pénurie d'eau est en lien direct avec l’apparition de la malnutrition chez les enfants. »
En février, une évaluation menée par MSF à Biltine a montré que parmi les enfants âgés de moins de cinq ans, un sur quatre souffrait de malnutrition aiguë. Au mois d’avril, MSF a donc ouvert un programme nutritionnel d'urgence où 67 enfants ont été admis au cours de la première semaine d’activités. Chez huit d'entre eux, l’état de malnutrition était si grave qu’ils ont dû recevoir des soins hospitaliers intensifs. Le programme va se poursuivre pour les neuf prochains mois.
Distributions alimentaires requises en urgence
« Notre priorité première est de réduire le taux de mortalité chez le quart d’enfants qui souffrent de malnutrition aiguë, en leur fournissant des soins médicaux et des aliments thérapeutiques », explique le Dr Edoh. Il souhaite également que le Programme alimentaire mondial commence dès que possible les distributions générales de vivres pour la population de Biltine. « Nous devons empêcher que les 75 pour cent d’enfants restant ne tombent dans la malnutrition à leur tour, » continue le Dr Edoh. « Il y a un besoin réel et urgent de mettre en place des distributions alimentaires. »
Dans la majeure partie du Tchad, l’accès aux soins de santé est limité, ce qui rend les enfants particulièrement vulnérables à la malnutrition, ainsi qu’aux flambées de maladies infectieuses. Dans le projet que MSF mène déjà à Am Timan, au sud-est du pays, les taux de malnutrition augmentent aussi rapidement, en partie à cause d’une flambée de cas de rougeole.
« Entre janvier et mars, nous avons admis 1 600 enfants souffrant de malnutrition, soit presque le double par rapport à l'an dernier, à la même période », explique le chef de mission. En plus, une flambée de rougeole affecte la région en ce moment. Nous sommes vraiment inquiets, car cette maladie augmente le risque de malnutrition chez les enfants. »
Une augmentation des cas de méningite a également été signalée dans 12 districts à travers le Tchad. Dans sept d’entre eux, dont Am Timan, une épidémie a été déclarée. Fin avril, 3 190 cas de méningite ont été enregistrés au total à travers le pays, dont 145 décès. MSF a organisé des campagnes de vaccination à Oum Hadier, Moissala, Massakory et Lere ciblant environ 640 000 personnes âgées de un à 30 ans. MSF a aussi envoyé des équipes afin de fournir des médicaments et des traitements à ceux qui ont contracté la méningite.
Personne ne s’attend à ce que 2012 soit une « bonne année » pour le Tchad, mais les équipes de MSF font tout leur possible pour éviter qu’elle devienne pire encore.