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République centrafricaine: Rapport du Secrétaire général (S/2024/473)

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I. Introduction

1. Dans sa résolution 2709 (2023), le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) jusqu’au 15 novembre 2024 et prié le Secrétaire général de faire rapport sur l’application de la résolution tous les quatre mois. On trouvera dans le présent rapport des informations actualisées sur les principaux faits survenus en République centrafricaine depuis le rapport précédent en date du 15 février 2024 (S/2024/170).

II. Situation politique

2. Le Gouvernement de la République centrafricaine s’est employé en priorité à appliquer des dispositions essentielles de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, et notamment à faire progresser les préparatifs des élections locales à venir, tout en continuant de s’attacher à promouvoir et à renforcer la décentralisation effective du processus de paix. Il a également intensifié les initiatives diplomatiques avec des partenaires bilatéraux et des organisations régionales à l’appui des efforts de développement dans un contexte socioéconomique tendu. Dans le même temps, des affaires judiciaires visant des personnalités politiques de l’opposition ont alimenté des tensions persistantes.

Évolution de la situation politique

3. Le Gouvernement a continué de procéder à des changements institutionnels, conformément à la Constitution de 2023. Le 27 février, le Président, Faustin Archange Touadéra, a nommé les 11 membres du Conseil constitutionnel, lequel remplace la Cour constitutionnelle. Trois de ces membres étaient des femmes. L’ancien Président de la Cour constitutionnelle, Jean-Pierre Waboe, a été nommé Président du Conseil. Les membres ont prêté serment le 22 mars.

4. Le 3 mars, le coordonnateur de la plateforme d’opposition Bloc républicain pour la défense de la Constitution, Crépin Mboli-Goumba, a été arrêté, et il a été détenu jusqu’au 6 mars. Le parquet de Bangui a déclaré que M. Mboli-Goumba avait été arrêté pour diffamation et outrage à magistrat suite à la plainte de quatre magistrats que celui-ci avait accusés de corruption lors d’une conférence de presse tenue le 21 février. L’ordre des avocats a lancé une grève pour protester contre l’arrestation le 5 mars, suspendant la participation des avocats à toutes les procédures judiciaires, y compris celles de la Cour pénale spéciale.

5. Le 27 mars, M. Mboli-Goumba a été jugé coupable et condamné à un an de prison avec sursis. Il lui a également été ordonné de verser l’équivalent de quelque 132 000 dollars de dommages et intérêts aux plaignants. L’opposition politique et la société civile ont condamné l’arrêt, exprimant des inquiétudes quant à l’indépendance du système judiciaire et à ce qui était perçu comme un non-respect des garanties de procédure. Après le verdict, l’ordre des avocats a repris ses activités.

6. Le parlementaire Dominique Yandocka, Secrétaire général du parti d’opposition Initiative pour une transformation par l’action, est en détention depuis décembre 2023. Des chefs de l’opposition, dont Joseph Bendouga, Anicet Georges Dologuélé et Martin Ziguélé, ont demandé à plusieurs reprises sa libération immédiate en raison de son état de santé, tout en plaidant pour le respect des droits des détenus et en demandant la conduite d’enquêtes sur des violations présumées des droits humains. Le 24 avril, des députés ont présenté une pétition au Premier Ministre, Félix Moloua, dans laquelle ils demandaient que M. Yandocka soit immédiatement libéré pour raisons de santé, jusqu’à ce que les poursuites engagées contre lui par le parquet aboutissent dans les cadres prévus par la loi.

7. Le Gouvernement a conclu plusieurs accords et établi plusieurs cadres de coopération lors de diverses réunions bilatérales de haut niveau. Il a signé une déclaration conjointe concernant la promotion de l’Initiative de la Chine pour le développement mondial, élargi la portée de son cadre de partenariat avec l’Union européenne, approuvé une feuille de route visant à établir un cadre permettant un partenariat constructif avec la France et signé quatre accords bilatéraux avec la Serbie, notamment dans les domaines de la défense nationale et de l’investissement étranger.

8. Le 12 avril, le nouveau Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine et Chef de la Mission de l’Union africaine pour l’Afrique centrale et orientale, António Egídio de Sousa Santos, a remis ses lettres de créance à M. Touadéra. Le Représentant spécial a de nouveau affirmé que l’Union africaine soutenait le Gouvernement et le peuple de la République centrafricaine en tant que cogarante de l’Accord politique.

Processus de paix

9. Les autorités centrafricaines se sont de nouveau engagées à mettre en oeuvre l’Accord politique et la feuille de route conjointe pour la paix de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Le 6 février, M. Touadéra a présidé une session extraordinaire du Comité exécutif de suivi de l’Accord politique au cours de laquelle il a remercié les garants et les facilitateurs pour leur soutien à la mise en oeuvre de l’Accord et exhorté les participants à poursuivre leur collaboration en vue de remplir les engagements restants aux fins de la consolidation de la paix, de la sécurité et de l’unité nationale en République centrafricaine. Le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale a salué le fait que plusieurs groupes armés signataires avaient décidé eux-mêmes de se dissoudre et appelé les groupes armés encore actifs à rejoindre le processus de paix ou à y revenir.

10. Certaines initiatives menées par le Gouvernement, avec le soutien de la MINUSCA, ont permis d’importants progrès dans la mise en oeuvre de l’Accord politique. Elles ont contribué à faire progresser certains de ses piliers fondamentaux, qui sont d’une importance capitale s’agissant de renforcer la protection des civils, de favoriser l’extension de l’autorité de l’État et de lutter contre certaines causes profondes des conflits récurrents en République centrafricaine, tout en donnant un élan à la réconciliation sociale et en stimulant le développement. Le 17 avril, en présence de M. Moloua, la commission nationale en charge de la gestion des frontières a officiellement commencé ses activités et présenté une politique de gestion des frontières ainsi qu’un plan d’action décennal. Elle a également fait part de son intention de concevoir et d’établir prochainement un poste frontière multiservices à titre d’essai, potentiellement à la frontière avec le Tchad.

11. Le 13 mai, M. Touadéra a ouvert une conférence nationale de haut niveau sur la transhumance pacifique et prospère, présidée par M. Moloua et facilitée par la MINUSCA, qui rassemblait les autorités locales, des responsables de la société civile ainsi que des partenaires internationaux et nationaux. La conférence a permis d’élaborer des stratégies visant à réduire la violence liée à la transhumance saisonnière et à tirer parti des avantages économiques potentiels de celle-ci aux fins d’une coexistence pacifique, de la stabilisation et du développement. Les participants se sont accordés sur un ensemble d’actions prioritaires comprenant notamment la mise à jour du cadre juridique et institutionnel régissant la transhumance, le développement des infrastructures agropastorales, le renforcement de la sécurité des couloirs de transhumance, l’appui aux mécanismes de prévention des conflits et la promotion du dialogue transfrontalier.

12. Le Gouvernement a continué de faire progresser la mise en oeuvre décentralisée du processus de paix avec le soutien de la MINUSCA. Le 4 avril, le cabinet du Premier Ministre a organisé une visioconférence pour aider les fonctionnaires et les préfets à mettre au point des tableaux de bord décentralisés et à déterminer quelles activités mener au niveau local pour mettre en oeuvre l’Accord politique et la feuille de route conjointe, conformément au tableau de bord du Gouvernement approuvé au niveau national.

13. Les mécanismes de mise en oeuvre de l’Accord politique à l’échelle des préfectures ont continué de se réunir de manière régulière et de mener leurs activités et leurs missions sur le terrain dans les zones touchées par la violence, avec le soutien de la MINUSCA, ce qui leur a permis de renforcer l’appropriation locale, de favoriser le dialogue politique, de soutenir les efforts de médiation et d’encourager les combattants armés à se démobiliser et à déposer les armes. Les autorités locales ont entrepris des missions sur le terrain dans la préfecture de la Mambéré-Kadeï afin d’assurer une médiation dans des conflits intercommunautaires résultant des activités de transhumance. Elles sont ainsi parvenues à dissiper les rumeurs faisant état de représailles perpétrées par des Peuls contre des agriculteurs et à créer les conditions nécessaires au retour des personnes déplacées à l’intérieur du pays.

14. Le 12 mars, le Gouvernement a lancé la deuxième phase de son plan de communication sur le processus de paix, avec le soutien de la MINUSCA. Depuis avril, le cabinet du Premier Ministre a dispensé à 172 fonctionnaires (dont 21 % de femmes) en poste dans sept préfectures une formation portant sur le processus de paix, ses mécanismes et ses réalisations. Le Gouvernement a également organisé une formation à l’intention de 190 personnes exerçant une influence à l’échelle des communautés afin de mieux faire connaître le processus de paix ; ces personnes ont jusqu’à présent organisé 57 séances de sensibilisation qui ont touché plus de 17 100 personnes (dont environ 20 % de femmes) dans 19 préfectures.

15. Le Gouvernement, avec le soutien de la MINUSCA, a continué de mener le programme national de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement. Il a ciblé des membres des groupes armés qui avaient exprimé leur volonté de participer au programme à la suite des activités de sensibilisation qu’il avait menées dans les préfectures de la Basse-Kotto, de la Haute-Kotto, de la Lobaye et de l’Ouham entre janvier et mai 2024. Il a été procédé au désarmement et à la démobilisation de 157 combattants dissidents (dont 18 femmes) du mouvement anti-balaka, du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique, du Mouvement patriotique pour la Centrafrique, de Retour, réclamation et réhabilitation et de l’Unité pour la paix en Centrafrique, ainsi que de combattants du groupe dissous Unité des forces républicaines.

16. En complément du programme national, la MINUSCA a continué de mener des projets de réduction de la violence locale prenant la forme de formations professionnelles, d’une aide au démarrage d’activités génératrices de revenus, d’activités rémunérées visant à remettre en état des infrastructures locales et d’actions de sensibilisation destinées à promouvoir la cohésion sociale.

17. Le 13 avril, à N’Djamena, les autorités tchadiennes ont appréhendé l’ancien porte-parole de la Coalition des patriotes pour le changement, Abakar Sabone, ainsi que l’ancien chef de celle-ci, Mahamat Al-Khatim, qui avait annoncé que le Mouvement patriotique pour la Centrafrique se retirait de la Coalition le 3 novembre 2023. Au 1er juin, ceux-ci étaient toujours en détention. Le 30 avril, la Cour pénale spéciale a annoncé l’émission d’un mandat d’arrêt international le 27 février contre l’ancien Président, François Bozizé Yangouvonda, pour divers crimes contre l’humanité qu’auraient commis des membres de la garde présidentielle et d’autres forces de sécurité intérieure entre février 2009 et mars 2013.

18. Le 23 mai, M. Touadéra a assisté à N’Djamena à la cérémonie de prestation de serment du nouveau Président du Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno.

Opérations électorales

19. Le Gouvernement a continué de s’employer à préparer les élections locales prévues en octobre 2024. Le 28 février, M. Moloua a officiellement demandé à l’Organisation des Nations Unies d’étendre aux élections présidentielle et législatives, qui se tiendront en 2025 et 2026, l’assistance électorale qu’elle fournissait à la République centrafricaine et d’en faire une des priorités du mandat de la MINUSCA. Il a également dit souhaiter que celle-ci joue un rôle accru dans la mobilisation des ressources et le soutien budgétaire et demandé un appui technique, opérationnel, logistique et sécuritaire continu, notamment pour les élections locales de 2024 et 2025.

20. Le 1er mars, le Conseil constitutionnel a rendu une décision concernant certains aspects du nouveau projet de code électoral qui devaient être révisés pour être conformes à la Constitution de 2023. Il a notamment annulé les dispositions autorisant l’Autorité nationale des élections à invalider des candidatures ainsi que l’obligation pour les membres du Gouvernement de démissionner au moins trois mois avant une élection pour être éligibles. Le 28 mai, l’Assemblée nationale a adopté le code électoral révisé ainsi que la loi organique sur la composition, l’organisation et le fonctionnement de l’Autorité nationale des élections.

21. Le 11 avril, le groupe de travail sur la sécurité des élections, composé des forces nationales de défense et de sécurité et de la MINUSCA, a approuvé une évaluation conjointe de la sécurité visant à guider les plans de déploiement pendant les opérations électorales.

22. Le 28 mai, le Président de l’Autorité nationale des élections et le Ministre des finances et du budget ont présenté au comité stratégique d’appui aux élections un budget révisé pour les élections locales s’élevant à 14 760 918 dollars. Les annonces de contributions aux opérations électorales s’élèvent à 6,8 millions de dollars, dont 4,5 millions proviennent du Gouvernement, qui a d’ores et déjà versé 240 000 dollars en novembre 2022 et s’est de nouveau engagé, le 28 mai 2024, à verser 3,5 millions de dollars, et 2,3 millions de dollars de donateurs, dont 100 000 dollars versés en 2022. Le 16 mai, le Gouvernement, l’Union européenne et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont signé un accord de financement concernant le versement de la contribution de l’Union européenne.