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Rapport final du Groupe d’experts sur la République centrafricaine reconduit dans son mandat par la résolution 2536 (2020) du Conseil de sécurité (S/2021/569)

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Lettre datée du 25 juin 2021, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts sur la République centrafricaine reconduit dans son mandat par la résolution 2536 (2020)

Les membres du Groupe d’experts sur la République centrafricaine reconduit dans son mandat par la résolution 2536 (2020) ont l’honneur de vous faire tenir cijoint, conformément au paragraphe 7 de ladite résolution, le rapport final sur leurs travaux.

Le rapport a été communiqué le 20 mai 2021 au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013) concernant la République centrafricaine, lequel l’a examiné le 4 juin 2021.

Le Groupe d’experts vous serait reconnaissant de bien vouloir porter le texte de la présente lettre et de son annexe à l’attention des membres du Conseil de sécurité et de le faire publier comme document du Conseil.

Le Coordonnateur du Groupe d’experts

(Signé) Romain Esmenjaud

(Signé) Zobel Behalal
Expert

(Signé) Fiona Mangan
Experte

(Signé) Anna Osborne
Experte

(Signé) Ilyas Oussedik
Expert

Résumé

Pendant la période considérée, la République centrafricaine est entrée dans une nouvelle phase de crise et les combats ont repris sur l’ensemble du territoire. En décembre 2020, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) a été établie, réunissant les groupes armés les plus puissants du pays, à savoir le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC), le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), le mouvement « Retour, réclamation et réhabilitation » (3R), l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) et les deux factions anti-balaka (voir S/2021/87, par. 15). La CPC a tenté d’empêcher la tenue des élections prévues le 27 décembre 2020 et ses combattants ont participé à des opérations militaires en vue de prendre le pouvoir. Après l’échec de la prise de Bangui par la CPC le 13 janvier, les Forces armées centrafricaines (FACA), épaulées par des instructeurs russes et des forces rwandaises, ont mené une contre-offensive et ont progressivement repris les principales villes aux rebelles.

Tout au long de la crise, les civils ont été pris pour cible de manière disproportionnée, comme l’a constaté le Groupe d’experts sur la République centrafricaine lors des missions de terrain qu’il a effectuées dans la plupart des zones touchées par les combats. Ils ont d’abord subi des exactions de la part des combattants affiliés à la CPC, puis des violations du droit international humanitaire perpétrées par des soldats des FACA et des instructeurs russes.

Des groupes affiliés à la CPC ont commis des violations généralisées du droit international humanitaire, telles que le recrutement forcé d’enfants, des attaques contre des Casques bleus, des actes de violence sexuelle et le pillage des locaux d’organisations humanitaires. Ces exactions ont notamment été perpétrées dans la préfecture de la Ouaka par des combattants dirigés par le chef de l’UPC, Ali Darassa, et dans la préfecture du Mbomou par des combattants dirigés par un membre du FPRC, Mahamat Salleh.

Des soldats des FACA et des instructeurs russes ont commis des violations du droit international humanitaire telles que le recours excessif à la force, des meurtres indiscriminés, l’occupation d’écoles et des pillages à grande échelle, visant notamment des organisations humanitaires.

Le présent rapport comporte des informations détaillées sur la CPC, au sein de laquelle l’ancien Président sous le coup de sanctions, François Bozizé (CFi.001), a joué un rôle central. Affirmant avoir reçu de la part d’acteurs extérieurs la garantie d’un appui de taille, lequel ne s’est jamais matérialisé, il est parvenu à rassembler des factions anti-balaka et de l’ex-Séléka. Il a occupé la fonction de chef politique et militaire de la coalition, s’appuyant sur son entourage immédiat et en collaborant étroitement avec le chef du FPRC, Nourredine Adam (CFi.002), lui aussi visé par des sanctions.

Bien que François Bozizé se soit efforcé de diriger la CPC, celle-ci est restée un réseau peu structuré, chaque groupe agissant de manière largement indépendante, notamment pour ce qui est de l’acquisition d’armes et des activités de financement. Si le clan Bozizé a pu obtenir des armes et des munitions par l’intermédiaire de réseaux au Soudan et au Tchad, en violation de l’embargo sur les armes, chaque groupe affilié à la CPC a puisé dans ses réserves propres et utilisé ses filières d’approvisionnement habituelles. Ces groupes ont essentiellement continué de prélever des taxes illégales sur certaines activités économiques pour engranger des recettes. Par exemple, le mouvement 3R a consolidé un régime parallèle et illégal de taxation des activités minières visant notamment plusieurs sociétés présentes dans l’ouest de la République centrafricaine. Les avancées des soldats des FACA, des instructeurs russes et des forces rwandaises ont perturbé les itinéraires de trafic et les stratégies de financement utilisés par les groupes affiliés à la CPC, sans pour autant les désorganiser totalement.

Pour parer à la menace militaire que la CPC faisait peser sur les institutions de l’État, le Gouvernement centrafricain a employé plusieurs stratégies. Premièrement, les livraisons de matériel destiné aux forces de sécurité de l’État se sont enchaînées à un rythme jamais vu depuis l’imposition de l’embargo sur les armes en 2013, certaines d’entre elles ne respectant pas l’embargo et d’autres le violant. Deuxièmement, les soldats des FACA ont obtenu un appui bilatéral de la part des forces rwandaises et des instructeurs russes. Ces derniers, en particulier, ont joué un rôle de premier plan dans les opérations militaires visant à repousser les combattants de la CPC. Troisièmement, certains hauts responsables centrafricains ont procédé à des recrutements parallèles de membres de groupes armés, qui ont agi au sein ou en appui des forces de sécurité de l’État, une pratique susceptible de nuire à la réforme déjà fragile du secteur de la sécurité.

Outre la crise de sécurité, les tensions politiques ont également connu un nouveau paroxysme dans le pays. Plusieurs candidats à l’élection présidentielle du 27 décembre 2020, dont Anicet-Georges Dologuélé, arrivé second du scrutin, ont refusé de reconnaître la réélection de Faustin-Archange Touadéra. Dans ce contexte de crise politico-militaire, les partenaires régionaux et internationaux ont insisté sur un nouveau dialogue, mais des opinions discordantes sont apparues quant à la participation des dirigeants de la CPC. Alors que des médiateurs régionaux prenaient contact avec les dirigeants de la CPC afin de faciliter la cessation des combats, le Président a lancé un « dialogue républicain » visant à favoriser la réconciliation parmi les acteurs politiques et de la société civile. Couplées aux stratégies de communication agressives du Gouvernement, visant à dépeindre les États voisins comme étant les responsables de la crise, ces approches divergentes ont fait apparaître des tensions dans les relations diplomatiques entre la République centrafricaine et certains de ses voisins.

Enfin, le présent rapport traite de la poursuite des activités de contrebande d’or et de diamants, qui privent le pays de ressources importantes et créent des conditions propices au développement de réseaux criminels, lesquels prospèrent indépendamment de la situation politique et des conditions de sécurité. Il recense les acteurs impliqués dans des activités illégales, notamment des entreprises et des coopératives qui ne déclarent pas l’intégralité de leur production. Le Cameroun est également décrit comme l’une des principales plaques tournantes du trafic de ressources naturelles en provenance de la République centrafricaine.