Au cinquième jour des travaux de la 31ème session de l’Examen périodique universel, mené par le Conseil des droits de l'homme siègeant à Genève, l’Ambassadeur centrafricain a relevé que la particularité de ces crises à répétition est « la recrudescence de graves crimes et de violations massives des droits de l’homme par des groupes armés essentiellement à l’encontre des populations les plus vulnérables ».
Selon l’Ambassadeur Léopold Ismael Samba, si le nombre des victimes de ce conflit s’est chiffré en milliers de morts, de déplacés internes et de réfugiés, « l’absence de l’autorité de l’Etat et notamment judiciaire dans les zones contrôlées par les mouvements rebelles a donné lieu pendant toutes ces années d’innombrables abus, exactions et à l’application de la justice privée ».
Cette description de la situation fait écho à celle des organisations non gouvernementales.
Dans un rapport établi par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, des ONG avaient signalé que, depuis 2013, des groupes armés, et en particulier les milices ex-Séléka et antibalaka, ont continué de procéder à des exécutions extrajudiciaires et de commettre des atrocités contre la population dans le nord-est, le nord-ouest et le centre du pays sous le contrôle de ces groupes.
Les services de la Haut-Commissaire, Michelle Bachelet, ont également exprimé leur vive préoccupation, encore cette année, compte tenu des discours haineux et de l’incitation à la violence fondés sur la religion.
De son côté, le Comité des droits de l’enfant s’était inquiété des combats répétés entre les groupes armés, qui continuaient de donner lieu à des mutilations, des enrôlements, et des violences et sévices sexuels.
Justice pour les crimes graves est la condition sine qua non pour une réconciliation véritable en RCA Cette compilation d’abus établie par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme est revenue enfin sur les préoccupations de l’Experte indépendante sur la situation des droits de l’homme en RCA.
Mme Marie-Thérèse Keïta Bocoum a constaté que les atteintes aux droits humains, dont la majorité était le fait des groupes armés ex-Séléka et antibalaka, incluaient des milliers de meurtres, d’actes de torture et de traitements inhumains et dégradants, de violences sexuelles, d’enlèvements, de privation de liberté et d’arrestations arbitraires, d’extorsion et de pillage, de recrutement et d’utilisation d’enfants, d’occupation et d’attaques contre des écoles et des centres de santé, et le déni de l’aide humanitaire.
Face à cette situation, les autorités centrafricaines ont rappelé les mesures prises dès le retour à la légalité constitutionnelle.
« Le gouvernement s’est aussitôt engagé à lutter contre cette intolérable et inacceptable impunité », a fait remarquer l’Ambassadeur Léopold Ismael Samba.
Selon le Représentant permanent de la RCA, faire justice pour les crimes graves est la condition sine qua non pour une paix durable et une réconciliation véritable en Centrafrique.
Pour ce faire, Bangui insiste pour que les auteurs de ces crimes soient soumis à des procès justes et équitables afin non seulement de rendre justice aux victimes de toutes ces atrocités, crimes mais aussi pour prévenir la commission de nouveaux crimes et surtout pour permettre d’envisager sereinement la réconciliation nationale tant souhaitée par les Centrafricaines et les Centrafricains.
Dans ce combat contre l’impunité, la délégation centrafricaine a mis en avant l’opérationnalisation de la Cour pénale spéciale qui s’est matérialisée dès 2017 par la nomination de magistrats internationaux et de cinq magistrats nationaux.
« La session inaugurale de la CPS qui a eu lieu le 22 octobre dernier a consacré l’installation effective de la Cour et ainsi le lancement officiel de ses activités judiciaires vers l’objectif zéro impunité en Centrafrique », a ajouté M. Samba.
L’autre volet judiciaire relevé par Bangui est le mécanisme de justice transitionnelle qui est essentiellement caractérisé par la mise en place de la Commission vérité, justice, réparation, réconciliation nationale.
L’objectif primordial de la Commission est de réaliser la refondation de la mémoire collective par l’édification de la vérité des faits entre « bourreaux et victimes », pour permettre de rendre une justice entière qui tienne compte des dommages subis par les victimes, leur réparation et surtout la réconciliation entre les Centrafricains.
14 groupes armés engagés dans les programmes de désarmement
Concernant la Mise en œuvre du Programme de désarmement, démobilisation réintégration et rapatriement (DDRR), la RCA a souligné que 14 groupes ont déjà adhéré au programme dès le lancement du projet pilote le 30 août 2017.
Une liste totale de 480 ex-combattants a été proposée par les groupes armés adhérents.
Sur les 480 combattants, 240 ont été retenus pour être intégrés dans les Forces armées centrafricaines dont 101 ont terminé leur formation et ont rejoint leur corps d’affectation. « 133 sur 139 éléments qui constituaient la deuxième vague ont également terminé leur formation au Centre d’instruction du camp Kassaï », a déclaré l’Ambassadeur Léopold Ismael Samba.
Sur les questions préalables adressées par sept États (Portugal, Liechtenstein, Belgique, Slovénie, Royaume-Uni, Allemagne et Suède), certaines ont porté sur les violences à l’égard des femmes ou pratiques traditionnelles préjudiciables, l’abolition de la peine de la mort et la restauration de l’État dans les préfectures autres que Bangui.
Si tous les préfets sont désormais installés, le rétablissement de l’autorité de l’Etat passe par le redéploiement des magistrats, des forces de défense et de sécurité dans leur zone de juridiction respective.
« C’est ce à quoi s’attelle le gouvernement depuis plusieurs mois malgré un contexte sécuritaire de plus en plus difficile », a ajouté M. Samba.
Pour garantir définitivement le retour de la paix et la sécurité, la RCA estime qu’il faut impérativement restaurer un véritable État de droit. « Nous ne sommes pas loin de cet objectif, à condition que la communauté internationale maintienne son soutien indispensable aux efforts du gouvernement », a conclu le Représentant permanent de la Centrafrique auprès de l’ONU à Genève.