I. Introduction
1. Le présent rapport fait suite à la déclaration de la Présidente du Conseil de sécurité en date du 10 août 2018 (S/PRST/2018/17), dans laquelle le Conseil a prié le Secrétaire général de le tenir informé, tous les six mois, des activités du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC). On y trouvera un compte rendu des principaux faits survenus en Afrique centrale sur le plan de la politique et de la sécurité depuis le dernier rapport, daté du 26 mai 2022 (S/2022/436) ainsi que des informations actualisées sur la situation dans le bassin du lac Tchad, comme le Conseil l’a demandé dans sa résolution 2349 (2017).
II. Principaux faits nouveaux survenus dans la sous-région de l’Afrique centrale
A. Tendances et faits nouveaux sur les plans de la politique, de la paix et de la sécurité
2. Au cours de la période considérée, des opérations électorales ont eu lieu en Angola, au Congo, en Guinée équatoriale et à Sao Tomé-et-Principe, la transition au Tchad et la poursuite des violences au Cameroun et dans le bassin du lac Tchad. Si les élections se sont généralement déroulées de manière pacifique et ordonnée, la sous-région a été confrontée à de graves problèmes de gouvernance électorale. La révision des listes électorales ont été une source particulière de tensions. Le faible taux de participation électorale, le boycott des élections dans certains pays et les demandes de vérification et de comptage du scrutin par des organismes indépendants ont mis la lumière sur la méfiance générale à l’égard des systèmes électoraux dans la sous-région.
Tendances et faits nouveaux sur le plan politique
3. En Angola, des élections générales ont eu lieu le 24 août. Le 26 août, les missions d’observation électorale de l’Union africaine, de la Communauté de développement de l’Afrique australe, de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et de la Communauté des pays de langue portugaise ont indiqué que le jour du scrutin s’est déroulé de manière pacifique et ordonné, mais ont signalé certaines irrégularités dans le processus électoral, notamment le faible nombre d’observateurs nationaux et internationaux, l’indépendance insuffisante de la Commission électorale nationale, le manque d’éducation des électeurs et le déséquilibre de la couverture médiatique. Avant les élections, l’opposition et des groupes de la société civile ont déclaré que les listes électorales comprenaient deux millions de personnes décédées et se sont dits inquiets de la possibilité de fraude. Le 29 août, la Commission électorale nationale a annoncé la victoire du Movimento Popular de Libertação de Angola (MPLA), le parti au pouvoir, avec 51,17 % des voix, suivi de l’União Nacional para a Independência Total de Angola (UNITA), avec 43,95 %. Entre leer et le 8 septembre, l’UNITA et Convergência Ampla de Salvação de AngolaColigação Eleitoral ont contesté le résultat officiel auprès de la Commission électorale nationale et de la Cour constitutionnelle, qui toutes les deux ont rejeté les plaintes, la Cour déclarant le 8 septembre que les résultats annoncés par la Commission électorale nationale étaient définitifs. Le 15 septembre, João Lourenco et Esperança da Costa ont été élus à la présidence et à la vice-présidence, respectivement. Le 16 septembre, 220 membres de l’Assemblée nationale – dont plus de 30 % de femmes – ont prêté serment et une députée du MPLA a été élue première présidente de l’Assemblée nationale. Le 24 septembre, plus de 2 000 partisans de l’opposition ont manifesté à Luanda contre des fraudes électorales présumées. Le 6 octobre, le Président Lourenco a rencontré le chef de l’UNITA, qui a déclaré que la réunion avait pour objectif de faire en sorte de comprendre les idées, la perspective et les préoccupations du peuple angolais, précisant qu’il était toujours possible de collaborer pour l’intérêt national.
4. Le Burundi a augmenté sa coopération avec les organisations régionales et les pays voisins, et procédé à des changements dans plusieurs postes clés du Gouvernement. Le Premier Ministre, Alain Guillaume Bunyoni, a été remplacé par l’ancien Ministre de l’Intérieur, Gervais Ndirakobuca. Le 22 juillet, le Président, Evariste Ndayishimiye, a été élu à la présidence de la Communauté d’Afrique de l’Est pour un mandat d’un an. Le 15 août, le Burundi a annoncé le déploiement de troupes militaires dans l’est de la République démocratique du Congo au titre d’un accord bilatéral entre les deux pays. Les contingents ont continué d’opérer dans le cadre d’une force régionale de la Communauté.
5. Au Cameroun, les violences se sont poursuivies dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les régions de l’Est et de l’Adamawa ont fait face à une crise des réfugiés et la région de l’Extrême-Nord a continué de connaître des actes de terrorisme et des conflits intercommunautaires. La pandémie a eu une très grande incidence sur les femmes et les filles. Les groupes armés séparatistes des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont mené plusieurs attaques dans la région de l’Ouest. Le 4 août, le Gouvernement a convoqué à Yaoundé le comité de suivi du grand dialogue national. Une conférence virtuelle a ensuite eu lieu le 11 septembre, à laquelle ont participé des représentants des groupes de la diaspora. Les efforts visant à encourager un dialogue inclusif entre les principales parties prenantes de la crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest se sont poursuivis.
6. Au Tchad, la transition politique a franchi des étapes cruciales, mais les tensions ont augmenté concernant la date initialement prévue pour son achèvement. Le 8 août, les autorités de transition et 34 des 52 groupes politico-militaires qui participaient au pré-dialogue de Doha depuis le 13 mars ont signé l’Accord de Doha pour la paix et la participation des groupes politico-militaires au dialogue national inclusif et souverain. Une seule femme a participé au pré-dialogue. Dix-huit groupes rebelles, dont le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), n’ont pas signé l’accord, invoquant des griefs relatifs aux quotas de participation au dialogue national, à la libération des prisonniers de guerre et à la possibilité pour les autorités de transition de se présenter aux élections après la période de transition. Nombre de ces griefs ont été repris par certains opposants politiques et organisations de la société civile à N’Djamena.
7. Le 20 août, le « Dialogue national inclusif et souverain » a été lancé à N’Djamena en présence des principales parties prenantes nationales, régionales et internationales. Parmi les participants on comptait des représentants des partis politiques, des signataires de l’Accord de Doha, des organisations de la société civile, notamment des organisations de femmes et de jeunes, des chefs traditionnels, des membres de la diaspora, des autorités provinciales, des forces de défense et de sécurité, du Gouvernement et des institutions publiques, entre autres. Le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad, la coalition d’organisations de la société civile Wakit Tama et le parti d’opposition Les Transformateurs ont boycotté le dialogue, invoquant des questions de représentation et de méthodologie. Le 19 septembre, l’Église catholique, qui avait participé aux efforts de médiation avec l’opposition politique et armée, s’est retirée du dialogue. Dans une déclaration à la presse publiée après sa réunion du 19 septembre sur les transitions politiques en cours sur le continent, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a réitéré les principaux points de sa décision du 14 mai 2021, à savoir que les autorités de transition respectent le calendrier de transition de 18 mois et qu’elles ne soient pas autorisées à se présenter aux élections.
8. Le 1 er octobre, les participants au dialogue national au Tchad ont adopté par acclamation des recommandations sur la voie à suivre concernant la transition, la dissolution du Conseil militaire de transition et la nomination de son président à la présidence de la transition, une « deuxième transition » pouvant durer 24 mois, l’organisation d’un référendum sur une version ajustée de la Constitution de 1996 et sur la forme de l’État, le doublement du nombre de sièges au Conseil national de transition et la création d’une deuxième chambre du Parlement. Notamment, il a été recommandé que tous les Tchadiens et toutes les Tchadiennes qui remplissaient les conditions légales soient autorisés à se présenter aux prochaines élections, y compris les membres des institutions de transition. Dans un déclaration à la presse publié le 5 octobre, la CEEAC a pris note des recommandations faites à l’issue du dialogue concernant le calendrier de la transition et invité les autorités à poursuivre le dialogue en vue d’encourager les groupes réfractaires à rejoindre le processus. L’investiture du Président du Conseil militaire de la transition, Mahamat Déby Itno, en tant que président de la transition a eu lieu le 10 octobre. Le 14 octobre, il a nommé un Gouvernement d’unité nationale dirigé par l’ancien chef de l’opposition Saleh Kebzabo. Des membres de l’ancien Cabinet ont conservé des portefeuilles stratégiques (défense, sécurité publique, finances et hydrocarbures), tandis que plusieurs figures de l’opposition et des membres des groupes politico-militaires qui avaient signé l’Accord de paix de Doha ont été inclus dans le Gouvernement. Les femmes représentent un peu moins de 30 % du nouveau Gouvernement.
9. Le 20 octobre, date initialement prévue pour la fin de la transition politique au Tchad, une partie de l’opposition a manifesté à N’Djamena et ailleurs, principalement dans le sud du pays, malgré l’interdiction du Gouvernement. Certains manifestants se sont livrés à des violences, notamment à N’Djamena où le siège du parti du Premier Ministre récemment nommé a été attaqué. Les forces de sécurité sont intervenues avec des gaz lacrymogènes et des balles réelles. Selon le Gouvernement, une cinquantaine de personnes ont été tuées au cours de ces manifestations, dont au moins 10 policiers, et 300 autres ont été blessées. Le Premier Ministre a accusé l’opposition de monter une insurrection armée et annoncé un couvre-feu à N’Djamena et dans trois autres localités, ainsi que la suspension des activités des Transformateurs, de Wakit Tama et du Parti socialiste sans frontières. Le 25 octobre, un sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale sur le Tchad s’est tenu à Kinshasa et a abouti à la nomination du Président de la République démocratique du Congo et Président de la CEEAC, Félix Tshisekedi, comme facilitateur de la transition tchadienne. Les partenaires bilatéraux et multilatéraux ont également été fortement encouragés à renforcer leur appui diplomatique, financier, matériel et technique à la transition. Le 11 novembre, le Président de la Commission de l’Union africaine a fait au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine un exposé sur la situation au Tchad. Le Conseil ne s’est pas prononcé sur la question.
10. Au Congo, des élections législatives et locales se sont tenues pendant la période considérée, les 10 et 31 juillet. Selon les résultats validés par la Cour constitutionnelle le 14 août, le Parti congolais du travail, parti au pouvoir, a obtenu 111 des 151 sièges de l’Assemblée nationale. La représentation des femmes est passée de 17 sièges en 2017 à 20 dans la législature actuelle. Les principaux partis d’opposition, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale et l’Union des démocrates humanistes ont obtenu sept sièges chacun. Bien qu’une grande partie de l’opposition ait boycotté les élections, invoquant des irrégularités, les missions d’observation de l’Union africaine et de la CEEAC ont indiqué que les élections s’étaient déroulées dans de meilleurs conditions par rapport aux élections législatives de 2017, en partie grâce à la reprise économique et à un contexte de sécurité interne globalement stable. Leurs recommandations ont porté sur la nécessité de maintenir et de renforcer un dialogue permanent et inclusif, notamment sur les élections, et de renforcer l’autonomie de la Commission électorale nationale indépendante.
11. En Guinée équatoriale, la préparation des élections ont dominé la période considérée. Le 20 septembre, sur la base d’une recommandation connexe du Sénat et invoquant des raisons financières, le Président, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, a décrété que les élections présidentielles, législatives et locales auraient lieu simultanément le 20 novembre. De ce fait, la date de l’élection présidentielle, auparavant prévue au premier trimestre 2023, a été avancée. Le 23 septembre, au nom du Partido Democrático de Guinea Ecuatorial (PDGE), le Vice-Président, Teodoro Nguema Obiang Mangue, a annoncé que le parti au pouvoir avait présenté le Président sortant comme candidat à l’élection présidentielle. Buenaventura Monsuy Asumu du Partido de la Coalición Social Demócrata (PCSD) et Andrés Esono Ondo de Convergencia Para la Democracia Social (CPDS) ont également été présentés par leur parti respectif. La campagne électorale s’est déroulée du 3 au 18 novembre. Bien qu’aucun incident n’ait été signalé le jour du scrutin, le candidat de CPDS a accusé le PDGE, qui a nié, de fraudes massives, d’irrégularités et de vote public forcé.
D’après les premiers résultats, publiés le 26 novembre par le Ministre de l’intérieur également Président de la Commission électorale, M. Obiang Nguema Mbasogo a été réélu pour un sixième mandat, avec 94,4 % des voix et une participation de 98 %. Le PDGE, au pouvoir, et 14 partis alliés ont également remporté tous les sièges dans les deux chambres du Parlement, où l’opposition avait un siège, inoccupé, pendant la législature précédente. La Cour constitutionnelle publiera les résultats définitifs.
12. Au Gabon, les faits nouveaux ont concerné le positionnement international du pays et des affaires de corruption très médiatisées. Le 25 juin, le Gabon a officiellement rejoint le Commonwealth à l’occasion du vingt-sixième sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’organisation à Kigali. En juillet, plusieurs hauts responsables publics et de la société nationale d’hydrocarbures ont été condamnés pour détournement de fonds publics et blanchiment d’argent. Leurs avocats ont dénoncé des manœuvres politiques. Le 13 août, un ancien député de l’opposition, qui s’était rallié à l’opposition juste avant l’élection présidentielle de 2016, a été libéré après six ans de prison pour instigation à la violence.
13. À Sao Tomé-et-Principe, les nouveaux faits ont concerné les élections législatives, régionales et locales, qui ont eu lieu le 25 septembre. Le 14 septembre, le Président Carlos Vila Nova a promulgué une loi sur la parité exigeant une représentation minimale de 40 % de femmes sur les listes de candidats aux élections et dans la composition du nouveau gouvernement, qui est entrée en vigueur le 19 novembre. Le 18 septembre, l’ancien Premier Ministre et Chef du parti d’opposition Acção Democrática Independente, Patrice Trovoada, est rentré au pays, après quatre années passées en exil volontaire. La décision de la Commission électorale de ne pas mettre à jour la liste électorale a suscité tensions et critiques, 10 000 jeunes citoyens ayant tout juste atteint l’âge de 18 ans perdant ainsi de fait la possibilité d’exercer leur droit de vote. Selon les observateurs de l’Union européenne, de la Communauté des pays de langue portugaise et de la CEEAC, les opérations électorales ont été bien organisées et le pays a été félicité pour le déroulement pacifique du scrutin ; ils ont toutefois dénoncé la faiblesse de l’administration des élections due au caractère temporaire et politisé de la Commission électorale nationale. Les résultats définitifs des élections ont été annoncés par la Cour constitutionnelle, le 3 octobre. Celle a confirmé que Acção Democrática Independente avait la majorité absolue à l’Assemblée nationale, avec 30 sièges sur 55. Acção Democrática Independente a également remporté 42 des 68 sièges des conseils locaux. Huit femmes ont été élues à l’Assemblée. Le 11 novembre, Patrice Trovoada a pris ses fonctions de premier ministre. Le 14 novembre, le dix-huitième gouvernement constitutionnel a prêté serment, composé de 11 ministres, dont 4 femmes (36 %). Le nouveau Gouvernement comprend un Ministère des droits de la femme.