I. Introduction
- Le présent rapport fait suite à la déclaration de la Présidente du Conseil de sécurité en date du 10 août 2018 (S/PRST/2018/17), dans laquelle le Conseil a prié le Secrétaire général de le tenir informé des activités du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC). On y trouvera un compte rendu des principaux faits survenus en Afrique centrale sur les plans de la politique et de la sécurité depuis le dernier rapport du Secrétaire général, daté du 1 er juin 2018 (S/2018/521), ainsi que des progrès accomplis par le Bureau régional dans l’exécution de son mandat. On y trouvera également une évaluation actualisée de la situation dans le bassin du lac Tchad, comme le Conseil l’a demandé dans sa résolution 2349 (2017).
II. Principaux faits nouveaux survenus dans la sous-région de l’Afrique centrale
A. Tendances et faits nouveaux sur les plans de la politique, de la paix et de la sécurité
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La situation politique en Afrique centrale a été marquée par la tenue d’élections dans plusieurs pays de la sous-région, notamment au Cameroun, au Gabon, au Rwanda et à Sao Tomé-et-Principe, et par les préparatifs des prochaines élections qui se tiendront en République démocratique du Congo à la fin de 2018. Les conditions de sécurité sont demeurées précaires dans certaines parties de la sous-région et les tensions sociales ont continué de s’intensifier dans certains pays.
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Le 30 juillet, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont tenu à Lomé un Sommet conjoint des chefs d’État et de gouvernement sur la paix, la sécurité, la stabilité et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Les chefs d’État et de gouvernement ont adopté un communiqué conjoint et la Déclaration de Lomé sur la paix, la sécurité, la stabilité et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, dans laquelle ils se sont engagés à renforcer leur coopération sur les questions de paix et de sécurité.
Tendances et faits nouveaux sur le plan politique
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Au Cameroun, le 2 juillet, à la demande du Président Paul Biya, l’Assemblée nationale a prorogé d’un an le mandat de tous les parlementaires à compter du 29 octobre 2018, reportant ainsi les élections législatives prévues. Les élections locales ont également été reportées à 2019 par un décret présidentiel invoquant les difficultés à organiser en même temps les élections présidentielle, législatives et locales. L’élection présidentielle s’est tenue le 7 octobre. L’organisme de gestion des élections a constaté un taux de participation particulièrement bas dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Selon les résultats définitifs annoncés par le Conseil constitutionnel le 22 octobre, le Président a été réélu avec 71,28 % des voix. Le taux de participation a été de 53,8 %.
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La situation de sécurité a continué de se dégrader dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Des affrontements sporadiques entre forces de sécurité et groupes armés ont été signalés tout au long de la période considérée. Le 12 juillet, le convoi du Ministre de la défense a été attaqué à deux reprises près de Kumba, dans la région du Sud-Ouest. Dans la nuit du 28 au 29 juillet, un groupe armé a attaqué une prison à Ndop, dans la région du Nord-Ouest, provoquant l’évasion de 163 détenus. Le 26 septembre, des individus armés ont également attaqué une prison à Wum, dans la région du Nord-Ouest, et 80 détenus se sont évadés. Le 5 novembre, près de 80 élèves et membres du personnel d’un établissement d’enseignement secondaire ont été enlevés à Bamenda, dans la région du Nord-Ouest. Les élèves ont tous été libérés le lendemain. Au cours de la période considérée, il a été signalé que des agressions sexuelles avaient été commises par les forces de sécurité et des groupes armés. Des services d’accueil pour les femmes ont donc été créés dans les postes de police de la région du Sud-Ouest afin de mettre en place un système sûr et confidentiel de signalement de la violence sexuelle et sexiste et des infractions qui y sont liées. Le 11 octobre, les chefs religieux des communautés catholiques, protestantes et musulmanes des régions anglophones se sont réunis pour préparer une conférence générale anglophone qui était prévue les 21 et 22 novembre à Buea, dans la région du Sud-Ouest, mais a été reportée. Au cours de cette réunion, ils ont à nouveau demandé que cessent les opérations militaires et insurrectionnelles dans les régions anglophones.
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Lors d’une conférence de presse, le 11 août, le Président du Tchad, Idriss Deby Itno, a déclaré que son pays avait besoin de 70 milliards de francs CFA (environ 122 millions de dollars des États-Unis) pour organiser les élections législatives prévues en novembre. Il a également indiqué que des consultations étaient en cours avec les partenaires techniques et financiers du Gouvernement afin d’obtenir l’aide nécessaire. Les élections législatives ont été reportées, en raison, semble-t-il, de difficultés financières.
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Le 15 juin et le 19 octobre, il a été signalé que des affrontements liés à la transhumance avaient eu lieu dans la région du Ouaddaï, au Tchad, faisant respectivement sept et cinq morts. Le 11 août, une centaine de véhicules armés ont attaqué deux garnisons militaires tchadiennes à Kouri Bougoudi, région du désert du Tibesti où de nombreux immigrants et Tchadiens travaillent dans les mines d’or, près de la frontière libyenne. Trois soldats tchadiens ont été tués et une vingtaine de véhicules militaires volés. L’attaque a été revendiquée par le groupe armé tchadien Conseil de commandement militaire pour le salut de la République. Le Gouvernement a alors enjoint à tous les travailleurs des mines de quitter la région avant que les forces armées n’entament des opérations aériennes et terrestres. Le 13 septembre, l’armée de l’air tchadienne a bombardé deux mines près de Kouri Bougoudi, faisant deux morts et deux blessés graves parmi les mineurs. Plus de 8 000 personnes de diverses nationalités ont quitté la région et demandé une assistance. Le 24 octobre, une autre attaque contre les forces de défenses et de sécurité tchadiennes a été signalée dans le département de Miski, près de la frontière libyenne. Le porte-parole des forces armées tchadiennes a annoncé que les assaillants avaient été « neutralisés » et que la situation était maîtrisée.
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Le Congo a progressé dans l’application de l’accord de cessez-le-feu signé le 23 décembre 2017. En juin, 81 partisans de l’ancien chef rebelle Frédéric Bintsamou, alias pasteur Ntumi, détenus depuis 2016, ont été libérés. Le 28 juillet, les autorités judiciaires ont levé le mandat d’arrêt contre le pasteur Ntumi et deux de ses alliés. Le 21 août, le pasteur Ntumi a participé à l’opération de collecte d’armes entamée dans la région du Pool le 7 août. Le 31 août, le Gouvernement a adopté un programme de désarmement, démobilisation et réintégration doté d’un budget total de 16,6 millions de dollars, qui vise à aider 7 500 ex-combattants rebelles et les populations déplacées de la région du Pool. Le 8 octobre, le Gouvernement a annoncé que 5 665 excombattants avaient été identifiés et 8 007 armes confisquées et détruites.
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En Guinée équatoriale, le sixième dialogue politique national s’est tenu du 16 au 23 juillet avec la participation de représentants du Gouvernement et de 17 partis politiques reconnus, d’organisations de la société civile et de groupes religieux, ainsi que la diaspora. Les organisations internationales, régionales et sous-régionales et les missions diplomatiques ont été invitées à y participer en qualité d’observateurs. Le groupe d’opposition Ciudadanos por la Innovación de Guinea Ecuatorial n’a pas été autorisé à participer au dialogue, malgré l’amnistie totale annoncée le 4 juillet par le Président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Plusieurs leaders politiques en exil ont boycotté le dialogue et peu de femmes du pays y ont participé.
Le communiqué final faisait état d’accords entre le Gouvernement, les représentants des partis politiques et la diaspora mais deux partis de l’opposition, Convergencia para la Democracia Social et Unión de Centro Derecha, ne l’ont pas signé, dénonçant notamment le non-respect de l’amnistie totale annoncée pour les acteurs politiques et le rejet des demandes de formation d’un gouvernement provisoire. -
Au Gabon, le premier tour des élections législatives et le scrutin en un tour des élections locales se sont tenus le 6 octobre. Le second tour des élections législatives a eu lieu le 27 octobre. Le Parti démocratique gabonais au pouvoir a remporté 98 des 143 sièges, conservant la majorité à l’Assemblée nationale. Le parti de l’opposition Les démocrates est devenu la deuxième force politique avec 11 sièges. Dix-neuf femmes ont été élues, contre 15 lors des élections précédentes.
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Les tensions socioéconomiques ont continué de s’accentuer au Gabon. Les 21 et 28 juin, le Conseil des ministres a adopté plusieurs mesures d’austérité, dont une baisse de 5 à 15 % des salaires du secteur public, suscitant les critiques des syndicats et de l’opposition. Le 2 août, la principale confédération syndicale gabonaise,
Dynamique Unitaire, a saisi la cour constitutionnelle afin d’invalider les mesures d’austérité et organisé des manifestations à Libreville les 13 et 28 août. Les deux manifestations ont été interdites par le Gouvernement mais des membres de la confédération ont tenté de manifester le 28 août et 29 personnes ont été arrêtées. -
Au Rwanda, les élections législatives ont eu lieu les 2 et 3 septembre. La coalition Front patriotique rwandais-Inkotanyi a obtenu 40 des 80 sièges du Parlement, suivie par le Parti social démocrate (5 sièges) et le Parti libéral (4 sièges).
Pour la première fois, des représentants du Parti démocratique vert du Rwanda et du Parti social Imberakuri ont obtenu chacun deux sièges. Les parlementaires ont prêté serment le 19 septembre. Les femmes ont obtenu 61 % des sièges. Les jeunes, auxquels 2 sièges au minimum étaient réservés un système de quota, ont obtenu 7 sièges au total. Les personnes handicapées ont également obtenu un siège réservé par quota. Sur les 80 membres de l’Assemblée nationale, 53 sont élus directement et 27 indirectement par des représentants de groupes d’intérêt. -
À Sao Tomé-et-Principe, les élections législatives, locales et régionales ont eu lieu le 7 octobre. La Cour constitutionnelle a annoncé les résultats définitifs des élections législatives le 19 octobre. Le parti au pouvoir, Acção Democrática Independente, a obtenu 25 des 55 sièges et le principal parti de l’opposition, le Movimento de Libertação de São Tome e Príncipe – Partido Social Democrata, 23.
La coalition de l’opposition, rassemblant le Partido da Convergência Democrática, le Movimento Democrático Força da Mudança et l’União para a Democracia e Desenvolvimento, a obtenu cinq sièges, et le Movimento de Cidadãos Independentes de São Tomé e Príncipe en a obtenu deux. Le taux de participation global a été de 80,8 %. Le 21 juin, le Ministre de la défense et de l’intérieur a annoncé dans un communiqué qu’un complot visant à assassiner le Premier Ministre, Patrice Trovoada, avait été déjoué. Deux suspects ont ensuite été arrêtés, dont un membre du Movimento de Libertação de São Tomé e Príncipe-Partido Social Democrata, puis libérés peu après faute de preuves. Le 4 août, la police judiciaire a arrêté cinq personnes pour tentative de porter atteinte à l’ordre constitutionnel. -
En République centrafricaine, le processus de paix se poursuivait sous les auspices de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation, notamment les préparatifs du dialogue direct entre les autorités et les principaux groupes armés reconnus.
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En République démocratique du Congo, des progrès ont été faits dans l’application de l’accord politique du 31 décembre 2016 ainsi que dans les préparatifs des élections générales prévues le 23 décembre 2018. Le 19 septembre, la Commission électorale nationale indépendante a annoncé la liste définitive des candidats aux élections présidentielle, législatives et provinciales, conformément au calendrier électoral. La situation de sécurité est demeurée fragile dans certaines parties de l’Est du pays, notamment dans les territoires de Beni, de Lubero et de Masisi (Nord-Kivu), dans la province de l’Ituri, sur les hauts plateaux d’Uvira et dans le territoire de Shabunda (Sud-Kivu), où des groupes armés ont continué de mener des activités déstabilisatrices. Elle s’est également détériorée dans certaines parties de la province du Haut-Uélé, du fait des mouvements transfrontaliers d’éléments armés sud-soudanais ; cependant, dans la province de l’Ituri, la violence entre les Hima et les Walendu a continué de diminuer.
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Au Burundi, conformément à la nouvelle Constitution révisée en mai, l’Assemblée nationale et le Sénat ont approuvé le 29 août la nomination de nouveaux membres de la Commission électorale nationale indépendante. L’opposition a boycotté la session parlementaire, contestant la nouvelle composition de la Commission, qu’elle juge trop proche du parti au pouvoir, et déplorant le manque de consensus dans la sélection et la confirmation de ses membres.