I. Synthèse
La crise qui dure depuis un an dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun a dégénéré le 1er octobre 2017, en marge de la proclamation symbolique d’indépendance de l’Etat d’Ambazonie par des militants sécessionnistes. Les violences ont fait au moins des dizaines de morts et plus de 100 blessés parmi les manifestants. Elles sont le signe d’une forte détérioration de la situation et requièrent une réaction urgente du président camerounais Paul Biya ainsi qu’une réponse ferme des partenaires internationaux.
Les évènements du 1er octobre (date commémorant la réunification en 1961 entre le Cameroun sous mandat français et le Cameroun britannique – Southern Cameroons) sont le point culminant d’une nouvelle phase de durcissement de la crise. Celle-ci est marquée par l’échec des missions officielles du gouvernement à l’étranger en août, qui a abouti à une augmentation du nombre d’incendies criminels et des violences sporadiques de groupuscules non identifiés, à la répression violente par les forces de sécurité des manifestations de militants anglophones le 22 septembre, à l’explosion de bombes artisanales dans le Nord-Ouest et à l’imposition d’un état d’urgence de fait du 29 septembre au 3 octobre.
Du fait de cette répression meurtrière, les rangs des sécessionnistes augmentent de jour en jour, et certains d’entre eux évoquent plus résolument l’idée d’une lutte armée ou l’« autodéfense ». S’il veut éviter la naissance d’une insurrection armée dans les régions anglophones, qui ne manquerait pas d’avoir des répercussions en zone francophone, le président camerounais doit aller au-delà des mesures cosmétiques et prendre ses responsabilités pour trouver des solutions politiques à la crise. Les recommandations détaillées dans le rapport d’août 2017 de Crisis Group demeurent d’actualité, mais la gravité de la situation oblige à agir plus vite. Ces réformes devraient être précédées d’un dialogue inclusif au plus haut niveau afin d’envisager des solutions durables. L’aggravation de la crise qui fait suite à cette répression sanglante requiert désormais l’intervention d’un médiateur crédible, tel que le Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale ou l’Union africaine.
Les partenaires internationaux, jusqu’ici passifs, voire complaisants vis-à-vis du régime, devraient condamner fermement la violence d’Etat et la répression meurtrière. Ils devraient également exiger une enquête indépendante et des sanctions à l’encontre des auteurs de ces violences, ainsi que l’ouverture d’un dialogue inclusif sur la décentralisation et le fédéralisme. Enfin, ils devraient clairement souligner que de nouvelles violences de masse des forces de sécurité entraineraient une réévaluation de la coopération militaire avec le Cameroun.