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Côte d'Ivoire

Evolution de la situation en Côte d'Ivoire 31 Jan 2003

Point de presse conjoint de M. Dominique de Villepin et du ministre australien des Affaires étrangères
- Propos de M. de Villepin (Extraits)

(Paris, 31 janvier 2003) - Q - Pourriez-vous préciser, concernant la Côte d'Ivoire, la position de la France ce vendredi à 15 heures, heure de Paris ? Le gouvernement français donne-t-il pour conseil aux Français non indispensables ou qui estiment que leur présence en Côte d'Ivoire n'est pas indispensable de quitter le pays ?

R - Comme vous le savez, nous sommes confrontés, aujourd'hui en Côte d'Ivoire, à une situation difficile. Ce qui est en cause, c'est le risque de poursuite de la guerre ou au contraire, l'avancée vers la paix. C'est le sens de l'initiative qu'a prise la France en réunissant à Marcoussis une table ronde de l'ensemble des forces politiques, table ronde qui a été couronnée par la réunion des chefs d'Etats de la région, du président de l'Union africaine et du Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, afin de bien marquer l'accord conclu entre l'ensemble des forces politiques pour ouvrir la voie vers la réconciliation.

Nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour sécuriser nos ressortissants comme les communautés étrangères. Nous avons envoyé sur place des renforts de gendarmerie, nous avons renforcé nos moyens en communication pour permettre d'assurer le contact avec l'ensemble des membres de notre communauté. Compte tenu des dégâts commis sur les écoles, nous avons anticipé le début des vacances de février et donc facilité le retour en France des familles qui le souhaitaient.

De la même façon, nous avons conseillé à tous ceux qui n'ont pas de raison d'être aujourd'hui présents à Abidjan et en Côte d'Ivoire de rester en France.

Je suis bien sûr en contact permanent avec le président Gbagbo, j'ai eu l'occasion de m'entretenir encore avec lui hier soir, je le ferai tout à l'heure pour faire un point régulier de la situation. Je lui ai dit à quel point nous le tenions aujourd'hui pour responsable, comme président de la Côte d'Ivoire, de la sécurité des Français et des communautés étrangères sur son territoire.

Q - Y a-t-il eu, ce matin, à l'Elysée, la réunion d'un Conseil de défense restreint, était-ce la Côte d'Ivoire qui était à l'ordre du jour de cette réunion ?

R - Il n'est pas habituel de commenter la tenue de conseils à l'Elysée. Ce qui est vrai, c'est que les autorités françaises suivent d'extrêmement près la situation et que la concertation sur cette question entre le gouvernement, le président de la République et l'ensemble des responsables est permanente.

Q - Néanmoins et, malgré ce que vous venez de dire, existe-t-il aujourd'hui, un plan d'évacuation des Français de Côte d'Ivoire ?

R - Nous avons eu l'occasion de le préciser à plusieurs reprises : toutes les dispositions ont été prises pour sécuriser la communauté française. Nous sommes en mesure, bien évidemment, de faire face à toute éventualité.

(...)

Q - Ce matin, à Abidjan, quelques centaines de manifestants proches du pouvoir se sont rendus sur l'aéroport pour protester contre le retour de M. Diarra, le nouveau Premier ministre nommé à Marcoussis. Cela a fait suite à quelques manifestations même d'émeutes qui contestaient la nomination de ministres proches du MPCI au ministère de la Défense et de l'Intérieur. Ne craignez-vous pas, aujourd'hui, une remise en cause totale et globale des accords de Marcoussis ? Si oui, quelle pourra être la réponse de la France ?

R - Vous savez, les accords de Marcoussis comme ceux de Paris ont été conclus par l'ensemble des forces ivoiriennes et garantis par la communauté régionale africaine et par la communauté internationale.

Partant d'une situation de guerre civile et de menace d'extension d'un conflit aux dimensions régionales, il est important que tous les efforts soient faits pour avancer dans le sens de la paix et de la réconciliation. La France s'est mobilisée au service de cet objectif. Aujourd'hui, nous le voyons bien, c'est toujours ce qui est en cause en Côte d'Ivoire, la paix et la réconciliation.

Ceci a un prix, c'est le courage de la part de l'ensemble des parties de faire sa part du chemin, d'expliquer aux siens, y compris aux groupes les plus extrémistes, le sens, l'intérêt qu'il y a d'avancer vers une solution commune pour obtenir le retour à l'intégrité du territoire, pour obtenir le redémarrage de l'économie ivoirienne, pour obtenir la réconciliation de l'ensemble des Ivoiriens.

Tout ceci est très important, cela mobilise la France et nous attendons qu'au cours des prochains jours, des prochaines heures, tout le monde soit mobilisé pour prendre sa part de responsabilité. Il y a un Premier ministre désigné par le président Gbagbo, M. Diarra, il lui appartient de former le gouvernement de réconciliation nationale. Nous souhaitons que très rapidement, la Côte d'Ivoire puisse trouver le chemin de l'union nationale, de la paix et de la réconciliation./.

Réponses du porte-parole aux questions du point de presse

(Paris, le 31 janvier 2003) - Quoi de neuf ? Quels conseils donnez-vous aux Français ?

Nous avons fait évoluer nos conseils aux voyageurs et aux Français en Côte d'Ivoire sur le site France.diplomatie.fr et compte tenu des troubles actuels et de la criminalité qui les accompagnent, il est déconseillé de se rendre en Côte d'Ivoire et il est conseillé aux Français dont la présence n'est pas indispensable de quitter le pays. Nous suivons naturellement la situation d'heure en heure. Lorsque nous disons que nous conseillons aux Français d'éviter de se trouver en Côte d'Ivoire, cela veut dire que ceux qui sont sur place peuvent toujours continuer de s'adresser à nous s'ils souhaitent partir.

S'agissant des conseils aux voyageurs dont j'ai donné lecture tout à l'heure, je voudrais souligner que nous avons toujours dit que nous étions prêts, compte tenu de l'évolution de la situation et de nos moyens sur place à faciliter le départ des Français qui souhaitent partir.

Avez-vous des moyens pour les aider à quitter le pays ?

Nous avons des moyens présents sur place.

C'est une évacuation que vous préconisez ou pas ?

Non. Je n'ai pas du tout utilisé ce terme. Je rappelle ce que j'ai dit : ' les Français dont la présence n'est pas indispensable, nous leur conseillons de quitter la Côte d'Ivoire.'

C'est compte tenu de la situation ?

Compte tenu de la situation, compte tenu des troubles actuels et de la criminalité qui les accompagnent.

Il est donc conseillé aux Français dont la présence n'est pas indispensable de quitter le pays ?

C'est cela et comme nous l'avions dit, nous sommes dans une période de vacances, les écoles ont été fermées. Il s'agit, pour nous de faciliter le déplacement de ceux qui souhaitent quitter le pays.

Est-ce que vous confirmez qu'il y a eu ce matin à l'Elysée un conseil restreint de défense sur la question des troubles en Côte d'Ivoire ?

Sur ce point, je dois vous renvoyer à l'Elysée.

Combien vous estimez le nombre de personnels essentiels en Côte d'Ivoire sur les 16.000 ou les 15.000 qui restent ?

Je n'ai pas cette évaluation. C'est à chacun à estimer lui-même si sa présence est essentielle ou non. Nous n'avons jamais défini qui était essentiel. C'est un choix que chacun peut faire et que chacun doit faire à titre personnel.

Au cas o=F9 Laurent Gbagbo ne respecterait pas ses engagements pris à Marcoussis, quelle serait la position de la France ?

C'est une question pour l'instant hypothétique. Je ne suis pas en mesure d'y répondre parce qu'aujourd'hui nous sommes dans une autre hypothèse ; nous travaillons à la mise en oeuvre des accords de Marcoussis. C'est là-dessus que nous sommes mobilisés. Nous travaillons avec la CEDEAO, avec les Nations unies et nos efforts s'orientent dans cette direction-là et pas dans une autre.

Que s'est-il passé précisément à l'aéroport ce matin ?

Je crois que le mieux c'est de vous renvoyer vers le témoignage de ceux qui sont présents sur place, c'est-à-dire le porte-parole des forces militaires de l'opération 'Licorne' qui pourra vous donner un témoignage plus direct et plus en prise avec les faits que moi. Pour ce que je sais, comme vous, il y a eu des troubles autour de l'aéroport. La situation est actuellement stationnaire.

Les forces militaires françaises se sont déployées à l'aéroport civil ?

Les forces militaires françaises, avec les forces ivoiriennes conjointement, ont effectivement, selon ce que je comprends des indications du ministère de la Défense, sécurisé l'aéroport.

Est-ce que c'est l'élément principal qui incite à demander aux Français dont la présence n'est pas indispensable en Côte d'Ivoire de quitter le pays ?

Non c'est un jugement d'ensemble que nous portons et c'est donc un conseil que nous formulons en fonction de l'évolution des circonstances et de la situation. Nous l'avons formulé d'ailleurs dès hier.

Est-ce que la France prévoit des moyens ? Le ministre français de la Défense nous a dit hier qu'il y avait deux bateaux qui devaient ou qui étaient arrivés dans le port d'Abidjan. Est-ce que ce moyen serait mis à la disposition des Français qui veulent quitter la Côte d'Ivoire ?

Est-ce que la France met en place un pont aérien avec une sécurisation, je pense aux deux ponts qui relient le centre ville à l'aéroport et au départ des appareils, parce qu'il y a quelques problèmes sur les autorisations de vols, tant que ce ne sont pas des compagnies africaines elles-mêmes ? Quels sont les moyens mis à la disposition pour ces personnes par la France ?

Je suis obligé de vous renvoyer vers le ministère de la Défense. Ce sont des questions techniques à voir sur place avec nos militaires.

En fait je pense que l'on sait ce qu'il y a en Côte d'Ivoire, on sait ce qui n'a pas marché dans les accords de Marcoussis ? Y a-t-il quelque chose qui est prévu pour rectifier un peu le tir, notamment au niveau des deux ministères qui posent problème en fait ?

Je répète ce que j'ai déjà dit sur ce sujet. Pour nous, la question de la composition du gouvernement de réconciliation nationale a été évoquée dans le cadre de la conférence de Paris et il appartient aux

autorités ivoiriennes de former leur gouvernement.

M. Wade regrette que les dirigeants de la CEDEAO n'aient pas été associés à toutes les décisions ?

Tous les dirigeants qui étaient à Paris se sont retrouvés d'accord sur l'ensemble des débats et des conclusions des Chefs d'Etat et de Gouvernement. La CEDEAO en tant que telle, institutionnellement, n'a pas été en mesure d'exprimer un sentiment officiel, c'est là-dessus que portait, je crois, la remarque du président Wade, pas sur le fait qu'il y avait désaccord. Il n'y avait pas désaccord à Paris. Mais la CEDEAO, je le rappelle, était néanmoins officiellement représentée à Linas Marcoussis, et par la suite.

Il y a vraiment eu deux niveaux à Marcoussis en fait. Il y a un Marcoussis auquel on s'attendait tous et puis il y a celui de Paris qui a été complètement différent qui a pris tout le monde de court, j'ai l'impression en tout cas ?

Non, je ne partage pas votre impression. Je ne pense pas que je puisse souscrire à l'idée qu'il y ait eu deux processus différents. Il y a eu un processus cohérent et qui était prévu et annoncé depuis toujours dans lequel il y a eu une table ronde, cette table ronde a abouti à des conclusions qui ont été présentées au président Gbagbo et ensuite entérinées au niveau des Chefs d'Etat. C'est ce qui s'est passé. Ceux qui cherchent à opposer une partie du processus à l'autre, à mon avis, perdent de vue que ce processus est un et qu'il a toujours été annoncé et conçu dans cette unité correspondant aux souhaits des Ivoiriens, des Africains eux-mêmes, puisque d'abord, il fallait réunir et mettre d'accord les forces politiques, après, il fallait présenter cet accord aux autorités officielles ivoiriennes, ce n'est pas la même chose, et le faire endosser par les Chefs d'Etat africains concernés, en présence du Secrétaire Général des Nations unies.

Il y a des Ivoiriens qui veulent que les militaires américains remplacent les militaires français ?

Toutes les bonnes volontés sont les très bien venues.

Est-ce que vous allez renvoyer encore des forces militaires pour garantir la sortie des gens qui veulent partir ?

Je n'ai pas d'élément nouveau sur ce point au moment o=F9 je parle. Nous évaluons la situation, encore une fois d'heure en heure. Si les circonstances le nécessitaient, nous ferions connaître d'autres éléments au moment o=F9 cela serait nécessaire.

Est-ce qu'il y a des Français en dehors de la zone contrôlée par les forces loyalistes ?

Très peu, mais il y en a quelques-uns.

Le Premier ministre Seydou Diarra est arrivé ou pas ?

Non.

Sa venue est toujours prévue ou vous ne pouvez pas répondre ?

Je suis obligé de vous renvoyer vers lui.

C'est difficile il n'est pas en France ?

Je sais, mais ce n'est pas à moi à commenter en détail les faits et gestes de M. Seydou Diarra. Vous savez qu'il a quitté Paris. Il est arrivé à Dakar, il a travaillé à Dakar et il a prévu ensuite de se rendre de Dakar à Abidjan. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant.

Le fait que ce matin des troupes se soient dirigées vers l'aéroport et essayé d'empêcher des Français d'accéder à l'aéroport, est-ce que vous envisagez d'avoir une action militaire plus lourde pour protéger et éventuellement accélérer l'évacuation des Français à Abidjan ?

Votre question comporte un certain nombre d'inexactitudes. Je suis obligé de rectifier certains éléments de la question avant de répondre. Premièrement ce ne sont pas des troupes mais des manifestants qui se sont dirigés vers l'aéroport. Deuxièmement, selon les dépêches, ils n'ont pas empêché les Français d'accéder à l'aéroport. Il y a certes des troubles autour de l'aéroport, nous sommes bien d'accord. Enfin, nous conseillons aux Français dont la présence n'est pas obligatoire, n'est pas essentielle, de ne pas séjourner en Côte d'Ivoire, mais il ne s'agit pas d'une évacuation. Vous voudrez peut-être reformuler votre question ?

Le fait qu'un militaire français ait été blessé, par exemple, quelle va être votre réaction par rapport à cela ?

Je vous renvoie sur le ministère de la Défense.

La compétence de la Cour Pénale Internationale, quelle est-elle ?

Le statut de la Cour Pénale Internationale est entré en vigueur.

En Côte d'Ivoire également ?

La Côte d'Ivoire a signé mais je crois qu'elle n'a pas ratifié. Ceci n'empêche pas la Cour d'exister avec toutes ses

compétences.

On a vu des manifestants porter des pancartes pro-américaines à diverses reprises. Est-ce que vous confirmez ou affirmez qu'il y a une démarche diplomatique américaine passant par le camp de M. Gbagbo ? Ou est-ce des bruits de la rue ?

Je ne suis pas au courant de démarches particulières. Encore une fois, toutes les bonnes volontés sont bienvenues dans cette crise grave. Nous avons une coopération très étroite et excellente avec les Etats-Unis sur le dossier ivoirien.

Est-ce que vous confirmez un soutien total des Etats-Unis sur les accords de Linas Marcoussis et sur la politique menée par la France dans la région ?

Ce n'est pas à moi à le faire à leur place, mais vu de Paris en tout cas, nous n'avons aucun doute là-dessus. Néanmoins, ce n'est pas à moi à le confirmer pour leur compte.

Y a-t-il des divergences d'appréciation entre le ministère de la Défense et le ministère des Affaires étrangères ?

Non.

Parce qu'à force de nous renvoyer à la Défense ?

Non, aucune divergence. C'est simplement un principe de bonne administration ; sur les questions spécifiquement militaires, la Défense s'exprime ; sur toutes les questions diplomatiques, c'est le Quai d'Orsay qui a compétence, et lui seul, pour s'exprimer.

Avez-vous des informations selon lesquelles le président Gbagbo va faire son premier discours à la nation ?

Pas d'information nouvelle.

Comment peut-on interpréter ce matin ce qui se passe à l'aéroport, des Français veulent partir, des manifestants, semble-t-il, veulent peut-être les en empêcher. N'est-ce pas une entrave à la liberté de déplacement ? Paris confirme-t-il les rumeurs selon lesquelles le président Gbagbo n'est pas prêt à accepter la présence rebelle dans le gouvernement de réconciliation nationale ?

Je ne ferai pas de commentaire sur le second point, vous renvoyant vers le président Gbagbo. Je ne commente pas les rumeurs.

Concernant la première question, nous connaissons la situation à l'aéroport.

Bien sûr, nous suivons cette situation de très près. Pour autant que je sache, la situation est stationnaire à l'aéroport. Nous avons eu des patrouilles des forces ivoiriennes et des patrouilles mixtes avec les forces françaises qui ont assuré la sécurité de l'aéroport. Il y a des manifestations à l'extérieur, la situation est stationnaire pour l'instant.

Dans la mesure o=F9 le blocage semble venir de la présence des rebelles et surtout de l'endroit o=F9 on les a prévus dans le gouvernement, pour la France, cette clause est-elle obligatoire ou les choses peuvent-elles être modifiées ?

Nous avons déjà répondu ; ce point a été évoqué lors de la conférence des Chefs d'Etats. Il appartient maintenant aux autorités ivoiriennes de former un gouvernement de réconciliation nationale.

En cas d'exode massif des Français de Côte d'Ivoire, qu'est-ce qui est prévu comme structures d'accueil ici ? A la lumière de ce qui s'est passé au Vietnam, les cousins germains et d'autres ivoiriens peuvent-ils bénéficier des structures d'accueil ?

Je ne crois pas qu'il y ait lieu de faire appel à des références comme celles que vous évoquez. Les situations ne sont jamais comparables. S'agissant de l'accueil ici, pour l'instant, je n'ai pas connaissance qu'il y ait des difficultés particulières.

Quelle est la position de la France vis-à-vis des mercenaires aux côtés du président Gbagbo ?

Notre position est très claire. Laurent Gbagbo s'est engagé à ce qu'ils partent, c'est ce que nous attendons.