I. Introduction
1. Le présent rapport a été établi en application de la résolution 1826 (2008) du Conseil de sécurité par laquelle le Conseil a prorogé le mandat de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et de la force française Licorne jusqu'au 31 janvier 2009 et m'a prié de lui soumettre un rapport sur la situation en Côte d'Ivoire et les préparatifs du processus électoral le 15 octobre 2008 au plus tard. Il rend compte des principaux événements survenus en Côte d'Ivoire depuis mon rapport du 10 juillet 2008 (S/2008/451).
II. Évolution de la situation politique
2. L'atmosphère politique en Côte d'Ivoire est restée favorable au cours de la période à l'examen. Tous les partis politiques ont intensifié leurs campagnes d'information et de mobilisation des électeurs dans l'ensemble du pays, tandis que les préparatifs de l'élection présidentielle s'accéléraient. Dirigeants et militaires des partis politiques ont pu circuler librement sur tout le territoire national, y compris dans la région jusque-là tendue de l'Ouest et dans le Nord. Le 30 août 2008, le Front populaire ivoirien - parti au pouvoir - réuni en convention extraordinaire à Yamoussoukro a formellement désigné le Président Laurent Gbagbo comme candidat du parti à l'élection présidentielle. La Vice-Présidente du Front, Mme Simone Gbagbo, a fait campagne pendant deux semaines dans le nord du pays, se rendant à Béoumi, Bouaké, Dabakala, Katiola et Tafiré. Pendant cette tournée, elle a préconisé une mise en œuvre accélérée des dispositions de l'Accord de Ouagadougou concernant le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des Forces nouvelles et l'unification des forces armées avant l'élection.
3. Du côté de l'opposition, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire a fait campagne pendant une semaine dans la vallée du Bandama, tandis que son chef et candidat à l'élection présidentielle, l'ancien Président Henri Konan Bédié, a fait au mois d'août une tournée de six jours dans le nord, se rendant successivement à Béoumi, Bouaké, Dabakala, Djébonoua, Katiola et Sakassou. Au mois d'août également, plusieurs dirigeants du Rassemblement des Républicains, le parti de M. Alassane Ouattara, dont sa secrétaire générale, Mme Henriette Diabaté, ont fait campagne dans le sud-est du pays. Pendant la nuit du 10 août, des groupes de jeunes proches du Front populaire ivoirien ont envahi l'hôtel où séjournaient Mme Diabaté et sa délégation et essayé d'attaquer ses partisans. Mme Diabaté a pu cependant retourner en toute sécurité à Abidjan avec l'aide des forces de sécurité ivoiriennes. Le 4 octobre, le Rassemblement des Républicains a tenu sa convention nationale à Yamoussoukro et désigné M. Alassane Ouattara comme candidat de ce parti à la prochaine élection présidentielle. Pendant ce temps, les organisations de la société civile ont adopté un code de conduite qui encadrera leurs activités pendant la période électorale et créé un mécanisme de suivi de l'application de l'Accord de Ouagadougou.
4. Mon Représentant spécial, M. Y. J. Choi, a continué de s'entretenir régulièrement avec les dirigeants politiques ivoiriens, notamment le Président de la République, M. Gbagbo, le Premier Ministre, M. Guillaume Soro, M. Henri Konan Bédié et M. Ouattara, de l'état d'avancement du processus électoral et du soutien apporté par l'ONUCI à la mise en œuvre de l'Accord de Ouagadougou. Il s'est notamment entretenu avec eux du plan global de sécurisation des élections mis au point conjointement par les forces de sécurité ivoiriennes, l'ONUCI et la force Licorne. Il a eu aussi des entretiens réguliers avec le Facilitateur du processus de paix ivoirien, le Président Blaise Compaoré du Burkina Faso, sur certaines difficultés dans la mise en œuvre de l'Accord de Ouagadougou.
5. Le Facilitateur a convoqué deux sessions du Comité d'évaluation et d'accompagnement, qui est composé des représentants des signataires de l'Accord de Ouagadougou et a pour mandat de suivre la mise en œuvre de l'Accord et de suggérer toutes dispositions nécessaires à sa bonne exécution. La première session s'est tenue le 10 juillet, avec la participation du Premier Ministre, M. Soro, des membres de l'Organe consultatif international, du Président de la Commission électorale indépendante, M. Robert Mambé, et du Secrétaire d'État à la coopération internationale de la France, M. Alain Joyandet. Les participants ont étudié ensemble les moyens de régler les problèmes logistiques qui freinaient le lancement des processus d'identification des populations et d'inscription sur la liste électorale. La deuxième session s'est tenue du 15 au 17 septembre et a été consacrée à un examen des mesures susceptibles de régler la question encore pendante du nombre d'éléments des forces armées des Forces nouvelles qui seront intégrés dans la nouvelle armée et des grades à leur attribuer. Le Président Gbagbo s'est entretenu avec le Facilitateur et s'est rendu à Ouagadougou le 28 juillet pour se concerter avec lui sur le processus de paix.
III. Situation sur le plan de la sécurité
6. Sur le plan de la sécurité, la situation est demeurée généralement stable. Un certain nombre d'incidents alarmants se sont cependant produits à Abidjan au début d'octobre. Le 4 octobre, des groupes de jeunes proches du parti au pouvoir ont interrompu les opérations d'identification et d'inscription sur la liste électorale dans la commune de Codody à Abidjan, prenant prétexte de l'absence de représentants de l'Institut national de la statistique. Le 6 octobre, des assaillants armés ont tenté de pénétrer dans la résidence du Ministre de la construction, de l'urbanisme et de l'habitat, M. Marcel Amon Tanoh, qui est aussi le coordonnateur de la campagne du Rassemblement des Républicains (opposition).
7. À l'extérieur d'Abidjan, les principaux incidents signalés pendant la période à l'examen étaient des manifestations d'éléments des Forces nouvelles et des Forces nationales de défense et de sécurité. Les éléments des Forces nouvelles ont continué d'exprimer leur mécontentement sur les conditions de leur intégration dans la future armée nationale et leurs possibilités de réinsertion dans la société. Le 18 août, plus de 200 ex-combattants des Forces nouvelles regroupés à Bouaké ont manifesté dans cette ville pour exiger le paiement de leur allocation mensuelle, tandis que d'autres éléments des Forces nouvelles qui avaient effectué des missions de sécurisation des audiences foraines exigeaient le paiement de leurs primes. Ces manifestations se sont poursuivies épisodiquement jusqu'à la fin d'août. Le 26 juillet, des éléments de la brigade mixte de N'Gattadolikro ont manifesté pour obtenir le paiement de leurs arriérés de solde. Le 26 septembre, des éléments des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire ont protesté à Daoukro et à Yamoussoukro contre le non-paiement de leurs primes de guerre par le Gouvernement. Des interventions de hauts responsables des Forces nouvelles et du Premier Ministre Soro ont facilité le retour au calme à Bouaké.
8. Dans d'autres régions encore, les tensions intercommunautaires suscitées par des conflits fonciers ou autres, surtout dans l'Ouest, et les grèves et manifestations contre la hausse du coût de la vie dans les régions urbaines sont une source persistante de préoccupation. Dans l'Ouest, les attaques de bandits de grand chemin (les « coupeurs de route ») ont créé un sentiment d'insécurité. Le 10 juillet, deux membres de la brigade mixte du Centre de commandement intégré basée à Famienkro ont été tués dans une embuscade par des individus non identifiés alors qu'ils étaient en patrouille. Suite à cet incident, les éléments de la brigade mixte ont évacué Famienkro et refusé d'y retourner. Le 19 juillet, l'ONUCI et la force Licorne sont intervenues pour séparer des éléments des Forces nouvelles et un groupe de jeunes qui s'affrontaient à Bouna, dans le Nord-Est. Du 12 au 15 août, des membres d'une organisation de la société civile ont organisé des manifestations violentes contre l'exploitation des richesses naturelles à laquelle se livrent certains éléments des Forces nouvelles autour de Bondoukou, dans l'Est. On a aussi signalé, dans un village du Nord-Est, des affrontements intercommunautaires qui ont fait huit morts et plusieurs blessés le 3 septembre.
9. L'insécurité persiste dans l'Ouest ainsi que dans plusieurs secteurs de l'ancienne zone de confiance du fait des attaques auxquelles continuent de se livrer sans discrimination des « coupeurs de route » non identifiés, et qui s'accompagnent d'actes de violence et de viol. La situation reste particulièrement grave dans les villes et villages situés le long de l'axe Duékoué-Bangolo, notamment à Binao près de Bangolo et à Blody et Toazeo près de Duékoué. 10. L'ONUCI a procédé à une évaluation prospective de la situation sur le plan de la sécurité pour la période précédant et suivant immédiatement les élections; cette évaluation repose sur une analyse approfondie des menaces et propose un certain nombre de mesures susceptibles de réduire ces menaces ainsi que les autres risques associés aux élections. Une large gamme de moyens et de dispositifs de réduction des risques et menaces pour la sécurité ont été mis en place, parmi lesquels on mentionnera : le rôle de médiation et d'arbitrage joué par le Facilitateur; le mandat de certification attribué à mon Représentant spécial; le suivi et l'observation des élections par les parties prenantes locales et internationales; le Cadre permanent de concertation entre les dirigeants politiques ivoiriens; les rapports constructifs existant entre le Président et le Premier Ministre; les moyens militaires et de police de l'ONUCI et de la force Licorne; et les solides relations de travail instaurées entre les commandants des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire, des Forces nouvelles, de la force Licorne et de l'ONUCI. L'ONUCI a aussi fait savoir que, si le besoin s'en faisait sentir, elle recommanderait d'activer pendant la période précédant ou suivant les élections le dispositif de redéploiement entre missions prévu par la résolution 1609 (2005) du Conseil de sécurité. Entre-temps, le Facilitateur et les dirigeants ivoiriens poursuivent leurs consultations sur d'autres mesures susceptibles de renforcer la sécurité pendant et après les élections. 11. En consultation avec les dirigeants des Forces de défense et de sécurité et des Forces nouvelles, l'ONUCI a mis au point un plan de sécurisation des élections. Ce plan vise à garantir très largement la sécurité, notamment en empêchant le franchissement illégal des frontières de la Côte d'Ivoire par des groupes armés. Il tient compte des menaces identifiées dans l'évaluation de la situation faite par l'ONUCI, sans négliger la période sensible qui suivra l'annonce du résultat de l'élection. En attendant, les Casques bleus de l'ONUCI continuent de faire des patrouilles à l'intérieur de la Côte d'Ivoire et, en coordination avec les Casques bleus de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), le long de la frontière entre la Côte d'Ivoire et le Libéria. Pendant la période à l'examen, l'ONUCI a participé à plusieurs réunions de coordination et de liaison avec les pays voisins de la Côte d'Ivoire, à savoir le Ghana, la Guinée et le Burkina Faso, pour mettre en place les dispositifs de sécurité nécessaires le long de la frontière.