ABIDJAN, 21 juin 2007 (IRIN) - Les craintes des Nations Unies de voir les autorités ivoiriennes les empêcher de participer à l'organisation et à la supervision des élections ont été écartées le 19 juin, après la rencontre entre une délégation du Conseil de sécurité, le Président de la république et le Premier ministre de la Côte d'Ivoire.
« A la fin de la rencontre le président [Laurent] Gbagbo et le Premier ministre [Guillaume] Soro nous ont donné l'assurance que les élections seraient supervisées par l'ONU », a déclaré le chef de la délégation, l'ambassadeur péruvien Jorge Voto-Bernales à l'occasion d'un point de presse qu'il a tenu au terme de la mission de deux jours.
Au mois de mai, le président Gbagbo avait exigé le rappel de Pierre Schori et Gerard Stoudmann, respectivement représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies et haut représentant pour les élections en Côte d'Ivoire.
En effet, M. Gbagbo les avait accusés de se comporter comme « s'ils avaient pour mandat de diriger la Côte d'Ivoire ».
Pour l'instant, personne dans l'entourage du président Gbagbo n'a pu indiquer si le chef de l'Etat avait changé de position vis-à-vis des Nations Unies. Toujours est-il que selon la délégation du Conseil de sécurité, la rencontre du 19 juin avec le Président et son Premier ministre a été constructive et « engage les deux parties à faire progresser le processus de paix », a dit M. Voto-Bernales.
Il a souligné par ailleurs que « le Conseil de sécurité [allait] bientôt se pencher sur la question des élections en vue de trouver des modalités et des instruments d'appui à ce processus ».
Le Conseil de sécurité s'apprête à voter une nouvelle résolution pour la Côte d'Ivoire dès la fin du mois de juin lorsque le mandat actuel de la Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) expirera.
Selon M. Voto-Bernales, le gouvernement a donné l'assurance qu'il allait bientôt procéder à l'identification systématique des citoyens ivoiriens, un problème qui a été au cœur de la guerre civile de 2002 et qui a longtemps constitué un obstacle à la réunification du pays et à la tenue des élections.
Les Nations Unies resteront en Côte d'Ivoire pour « certifier » le processus d'identification et soutenir la mise en œuvre de l'accord de paix de Ouagadougou, a dit M. Voto-Bernales.
Signé le 4 mars, sous l'égide du président burkinabè Blaise Compaoré, cet accord prévoit le redéploiement de l'administration dans le nord occupé par la rébellion, l'identification des citoyens et l'inscription sur les listes électorales, l'organisation de l'élection présidentielle, le désarmement et la réintégration des ex-combattants dans une nouvelle armée composée des soldats loyalistes et de quelques éléments des forces rebelles.
Le désarmement des milices et des rebelles n'a pas encore commencé, étant donné que les états-majors de la rébellion et de l'armée régulière ne sont pas encore tombés d'accord sur le processus d'intégration au sein de la nouvelle armée.
Des retards d'ordre technique
Le chef de la délégation du Conseil de sécurité a également noté quelques retards dans la mise en œuvre de l'accord politique de Ouagadougou, des retards qui selon lui sont d'ordre technique.
Toutefois, a-t-il précisé, « les autorités ont exprimé leur volonté de surmonter le plus vite possible ces difficultés et comptent respecter les délais fixés dans le calendrier ».
Le président Compaoré a récemment annoncé que les élections en Côte d'Ivoire se tiendraient au plus tard au cours du premier trimestre 2008, mais de l'avis de plusieurs observateurs internationaux, celles-ci auront lieu au plus tôt à la fin du deuxième trimestre 2008.
Les élections doivent se tenir 10 mois après le début du processus d'identification, a affirmé Hamadoun Touré, le porte-parole de l'ONUCI avec qui le correspondant d'IRIN s'est entretenu quelques instants avant l'arrivée de la délégation du Conseil de sécurité.
« Nous ne savons pas quand ce processus va démarrer », a-t-il fait remarquer.
En 2006, la tentative de démarrage des audiences foraines, censées délivrer des jugements supplétifs aux personnes dépourvues d'acte de naissance, a tourné court suite aux violentes manifestations des partisans du président Gbagbo.
Pour l'instant, le ministère de la Justice n'a toujours pas fixé de date pour le début de la distribution des cartes d'identité aux centaines de milliers de sans-papiers qui souhaiteraient obtenir la citoyenneté ivoirienne.
Selon certaines estimations, le nombre de personnes nées en Côte d'Ivoire mais jamais recensées varie entre 500 000 et trois millions.
La citoyenneté ivoirienne
La plupart des personnes non enregistrées sont originaires du nord du pays et disent être victimes de discrimination. Selon elles, les autorités ivoiriennes refusent de leur délivrer des cartes d'identité parce qu'elles les considèrent comme des étrangers originaires du Mali et du Burkina Faso voisins.
Depuis son indépendance en 1960, le pays a toujours été dirigé par une personnalité originaire du sud du pays.
Le processus d'identification devrait probablement entraîner une redéfinition du paysage électoral qui pourrait en définitive menacer l'hégémonie du Front populaire ivoirien (FPI), le parti au pouvoir.
Beaucoup de choses restent à faire avant le démarrage du processus d'identification.
« Les préfets doivent être en place, l'administration locale doit être déployée et un plan d'action clairement défini », a expliqué un observateur. « Actuellement, aucune de ces conditions n'est remplie ».
Toutefois, comme d'autres observateurs, il met en garde contre toute précipitation du processus.
« La principale menace au plan de paix de Ouagadougou est que le processus d'identification ne soit pas mené à bien », a fait remarquer Gilles Yabi, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest à l'International Crisis Group. « On ne résoudra pas le problème en tentant de l'organiser dans la précipitation ».
Quant à la délégation du Conseil de sécurité, elle a affirmé qu'elle ne tenterait pas d'imposer une date pour la tenue des élections.
« Le plus important est que toutes les parties soient parvenues à trouver un accord pour sortir le pays de cette crise », a dit M. Voto-Bernales.
Pour bon nombre d'observateurs internationaux, l'accord de Ouagadougou représente une avancée importante, après cinq années d'une situation de « ni guerre ni paix » et de nombreux autres plans de paix non respectés. Néanmoins, ils sont inquiets à l'idée que ce nouvel accord puisse également échouer.
« Je crois toujours en l'accord de Ouagadougou ; mais il constitue la dernière chance pour la Côte d'Ivoire, il n'y aura pas d'autre issue possible », a affirmé un diplomate en poste à Abidjan. « Il faut que cet accord réussisse ; s'il ne réussit pas, que peut-on faire ? ».
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