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Burundi

À un moment critique pour le Burundi, le mandat du Rapporteur spécial reste indispensable

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Madame, Monsieur le Représentant permanent,

Alors que de graves violations des droits humains continuent d’être commises au Burundi dans un contexte d’impunité généralisée et que le pays se prépare à des élections législatives et présidentielle dans un environnement national et régional tendu, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devrait maintenir une surveillance étroite de la situation.

Lors de sa 57ème session (9 septembre-11 octobre 2024), le Conseil devrait renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Il devrait indiquer clairement que tout changement futur de son approche sera lié à des réformes structurelles et à des améliorations tangibles de la situation des droits humains dans le pays, plutôt qu’à des développements politiques.

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Neuf ans après l’éclatement de la crise de 2015, non encore résolue, qui faisait suite à l’annonce de la candidature de l’ancien président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat (ensuite jugé inconstitutionnel par la Cour de justice de la Communauté est-africaine1), la situation des droits humains au Burundi demeure préoccupante. Le changement intervenu depuis l’investiture du président Évariste Ndayishimiye, en juin 2020, n’a apporté aucune réforme structurelle pour répondre aux préoccupations de longue date en matière de droits humains, de gouvernance, de justice et de primauté du droit. Nombre des problèmes mis en exergue dans les rapports de l’Enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi (EINUB), de la Commission d’enquête (CoI)2, du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), du Rapporteur spécial sur le Burundi et des organisations indépendantes de la société civile subsistent. Les violations et atteintes aux droits humains se poursuivent en toute impunité.

Ces violations comprennent des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, des violences sexuelles et basées sur le genre, des restrictions injustifiées aux droits à la liberté d’opinion, d’expression, de réunion pacifique et d’association, et des violations graves des droits économiques, sociaux et culturels.

Les auteurs présumés de ces violations sont des acteurs étatiques et para-étatiques, à savoir des responsables gouvernementaux, des membres des forces de l’ordre et des services de sécurité, notamment la police et le Service national de renseignement (SNR) et des membres de la ligue des jeunes du parti CNDD-FDD au pouvoir, connue sous le nom d’Imbonerakure. Aucun responsable de haut-niveau n’a eu à rendre de comptes pour les violations commises en lien avec la répression des manifestations de 2015 ou ses suites ou pour le ciblage des membres et sympathisants de l’opposition, des défenseurs des droits humains (DDH), des journalistes ou d’autres voix critiques ou indépendantes.

Les élections législatives sont prévues pour mai 2025, soit huit mois après la 57ème session du Conseil des droits de l’homme, au cours de laquelle le Conseil examinera un rapport écrit du Rapporteur spécial. Suite à une réforme qui a institué un septennat, l’élection présidentielle est prévue pour mai 2027. Alors que le pays est entré dans la première de ces deux périodes électorales successives, et à la lumière des cycles de violence ayant accompagné les élections précédentes au Burundi, nous soulignons les points suivants, qui requièrent la plus grande attention de la communauté internationale.

En premier lieu, les facteurs de risque de nouvelles violations. Plusieurs des Facteurs de risque décrits dans le Cadre d’analyse des atrocités criminelles5 développé par les Nations Unies sont présents au Burundi. Ils comprennent, à tout le moins, de nombreux Indicateurs associés aux Facteurs de risque 1 à 8. Ces Facteurs de risque et les Indicateurs associés, que la CoI a introduit et sur lesquels elle s’est appuyée pour son rapport sur le Burundi en amont des élections de 2020,6 sont basés sur les principes de prévention et d’alerte précoce. Ils incluent, entre autres7 : (i) l’existence d’une crise sécuritaire, la présence de conflits armés dans les pays voisins, l’instabilité et la tension politique et la misère ; (ii) des antécédents de violations graves du droit international, l’impunité, et l’absence généralisée de confiance dans les institutions étatiques ; (iii) la faiblesse des structures étatiques, notamment l’absence d’une justice indépendante et des niveaux élevés de corruption ; (iv) des facteurs déclencheurs de la violence, y compris les idéologies fondées sur des versions extrémistes de l’identité ; (v) de solides traditions d’obéissance à l’autorité ; (vi) un espace civique fermé et un manque d’attention médiatique internationale ; (vii) le refus du gouvernement d’autoriser la présence d’ONG et d’autres acteurs internationaux, et l'existence de déclarations provocatrices et d’incitations à la haine ; et (viii) des facteurs déclencheurs ou des événements qui peuvent gravement exacerber les conditions existantes, tels que des élections et les activités centrales liées aux processus électoraux.

Les derniers mois ont été marqués par une augmentation des discours de haine et de la rhétorique incendiaire, y compris au plus haut niveau politique, ainsi que par un accroissement supplémentaire de la pression exercée par les autorités sur l’espace civique.

En plus des phénomènes récurrents, dont il a déjà été fait état, d’attaques contre les DDH, les journalistes et les organisations de la société civile, au cours des derniers mois, l’un des principaux groupes de presse, Iwacu, a été soumis à de graves menaces. Si Floriane Irangabiye a fait l’objet d’une grâce accordée par un décret présidentiel en date du 14 août 2024, laquelle a abouti à sa libération deux jours plus tard, une autre journaliste, Sandra Muhoza, continue d’être détenue arbitrairement. Elles n’auraient jamais dû être être détenues en premier lieu. Malgré sa relaxe pour des faits allégués de « dénonciation calomnieuse », la syndicaliste Émilienne Sibomana était toujours en détention au moment où la présente lettre est rédigée. Le refus des autorités de la libérer est probablement lié à la nature politiquement sensible de son cas – et il est emblématique de l’impunité généralisée dont jouissent les responsables de haut rang au Burundi.

La crise des droits humains au Burundi est également aggravée par une situation sécuritaire volatile, tant à l’intérieur du pays que dans la sous-région. Le conflit armé en République Démocratique du Congo (RDC) et les violences transfrontières risquent d’accroître l’instabilité et les tensions ethniques dans la région des Grands Lacs et au Burundi.

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