Informing humanitarians worldwide 24/7 — a service provided by UN OCHA

Burundi

L'Institut de la Banque mondiale utilise la radio et les téléphones cellulaires pour impliquer les jeunes dans la phase post-conflit au Burundi

  • L'enquête sur la gouvernance de l'Institut de la Banque mondiale indique que la corruption est un obstacle à l'édification de l'État au Burundi

- Un nouveau programme encourage les jeunes à débattre des problèmes de corruption par téléphone cellulaire à l'occasion d'émissions radiophoniques d'appel des auditeurs

- Les technologies s'associent au service de la réconciliation en situation d'après-conflit

WASHINGTON, IXX février 2009 - Un jeune homme se présentant sous le nom de Jean Bosco de Ruyigi appelle une chaîne de radio pour exprimer sa frustration face à la corruption. « Pour nous les jeunes, ce n'est pas facile de trouver du travail », dit-il. « Pour un emploi recherché, il faut payer un à deux mois de salaire avant de signer un contrat. Sinon, on vous dit que vous n'avez pas d'expérience. La corruption a atteint un degré tel qu'on ne sait plus s'il s'agit d'actes individuels ou d'une politique du gouvernement ».

Ce mouvement d'humeur de Jean Bosco s'exprime dans le cadre d'un programme soutenu par l'Institut de la Banque mondiale (WBI) qui s'appuie sur les deux technologies les plus répandues en Afrique - la radio et le téléphone cellulaire - pour engager un dialogue avec la jeunesse du Burundi sur les problèmes cruciaux auxquels fait face le pays. Organiser un débat national au Burundi n'est pas chose aisée. Le pays est sorti récemment de 12 ans de guerre civile, des zones importantes restent en proie à l'insécurité et beaucoup de gens redoutent que le débat public puisse raviver des blessures anciennes. Toutefois, sans une participation des populations, il sera difficile de faire émerger un consensus sur les priorités futures - en particulier au sein du groupe crucial que représente la jeunesse au Burundi.

Une équipe de la Banque mondiale œuvrant avec le gouvernement burundais et la société civile au renforcement de la gouvernance et à la lutte contre la corruption a décidé de coopérer avec les radios locales afin de diffuser les résultats d'une enquête sur la gouvernance et une étude sur la situation des jeunes. Dans un format convenu, une station de radio locale dont les programmes sont ciblés vers les jeunes a présenté les conclusions, proposé un débat sur les enjeux fondamentaux et invité les auditeurs de l'ensemble du pays à intervenir à l'antenne. Une chanson de rap composée pour l'émission créait un cadre unificateur.

Soutenu par WBI Global Programs (WBIGP) et International Alert, la radio privée Radio Publique Africaine a diffusé quinze émissions pour un public de plus en plus important.

« Elle nous a permis de toucher les zones difficiles d'accès dans ce contexte d'après-conflit », indique Susana Carrillo, qui est chargée du projet à WBIGP. Encore mieux, dit-elle, « le programme offre un espace permettant aux jeunes d'exprimer sans crainte leurs frustrations et leurs inquiétudes, et d'avoir le sentiment qu'ils sont écoutés ».

« Nous les écoliers manquons de tout », déplore Alain, qui téléphonait de Buja lors d'une récente émission. « Nous allons à l'école sans manger ; nous n'avons pas de cahiers, ni de matériels, pas même de l'eau à l'école quand nous y arrivons après avoir parcouru plusieurs kilomètres à pied. Est-ce cela la paix ? »

Ensuite, le débat a porté sur la migration, notamment sur les difficultés qui attendent les citoyens rentrant des camps de réfugiés qui les ont accueillis pendant les années de guerre. Un auditeur de Muyinga se plaint en ces termes : « personne ne s'occupe de nous, mais nous ne sommes pas des mendiants. Nous avons assez de force, de courage et d'intelligence pour nous prendre en charge ». Ce qui le déçoit, c'est que la plupart des organes de presse s'intéressent surtout au dernier épisode des querelles entre les factions politiques, mais fournissent trop peu d'informations sur les questions essentielles comme le VIH/SIDA.

La gouvernance et la corruption entravent l'édification de l'État

La récente enquête sur la gouvernance et la corruption fait une large place au défi de l'édification d'un État compétent, considéré par la population comme fiable et légitime. Selon l'enquête,

50 % des entrepreneurs interrogés ont déclaré verser de l'argent aux fonctionnaires en échange des services publics. Parmi les organisations non gouvernementales, 94 % considèrent la police nationale comme étant corrompue tandis que 85 % pointent du doigt la branche judiciaire. L'accès aux services est faible, 48 % des ménages devant consommer une eau qui n'est ni saine ni salubre. Près de trois quarts des personnes interrogées tiraient leurs moyens de subsistance de l'agriculture, mais 91 % d'entre elles ont déclaré que le soutien du gouvernement au secteur n'était pas satisfaisant.

« Le Burundi est un pays pauvre enclavé qui, en plus de ses propres conflits historiques, est en proie aux instabilités régionales et à la corruption », indique Carrillo. « Mais nous voulions, ensemble avec la population, faire pression pour plus de responsabilité et pour l'amélioration de la qualité des services de base ».

« Leur donner la parole dans la définition des priorités est en soi un facteur de stabilisation », poursuit Carillo. « La radio est un média puissant, elle doit être interactive si elle entend donner à la population la possibilité de faire entendre sa voix, en donnant aux auditeurs l'occasion d'intervenir grâce à leur téléphone cellulaire ».

Dans une certaine mesure, la radio interactive aide à briser une loi du silence informelle dont sont victimes bon nombre de personnes traumatisées par les années de conflit qui ont opposé les groupes ethniques Hutu et Tutsi et qui ont vu des citoyens ordinaires participer à des actes de violence meurtrière. Selon un rescapé vivant dans un camp de déplacés internes, « nous ne devons pas parler de la crise car nous savons que c'est aujourd'hui du passé et, aussi, de peur qu'elle reprenne ».

Mais il est salutaire que les gens parlent de leurs problèmes quotidiens et identifient les problèmes pour lesquels ils espèrent bénéficier de l'aide des autorités locales ou nationales. Les Burundais veulent croire qu'ils ont dépassé les clivages ethniques, selon les enquêtes d'opinion. Le fait d'ouvrir des espaces pour des discussions pratiques sur la gouvernance et la prestation des services renforce chez eux le sentiment qu'ils sont en train de dépasser les années de crise et sont prêts à s'attaquer aux défis de la pauvreté et de l'exclusion.