Plus de 340.000 personnes, pour la plupart
des civils Hutus, déplacées de force par le gouvernement burundais depuis
septembre, survivent dans des conditions inhumaines dans les sites de "regroupement"
construits à la hâte. La zone de Bujumbura Rural compte cinquante huit
de ces camps. Ils abritent des civils officiellement déplacés pour assurer
leur sécurité, alors qu'il est de notoriété publique que les déplacements
étaient destinés à empêcher les populations de donner asile aux rebelles
et de protéger les villes d'éventuelles attaques de ces mêmes rebelles.
Il y a à ce jour plus de 800.000 personnes déplacées suite à la politique
de déplacements forcés du gouvernement burundais et à la guerre civile
qui ravage le pays.
La politique de regroupement, violemment
critiquée par l'Eglise et par les leaders politiques du monde entier,
a des conséquences désastreuses: disette et pillage des maisons des personnes
déplacées de force. La situation des camps est dramatique et les produits
de première nécessité manquent: alimentation, santé, médicaments, sanitaire.
A leur retour d'une visite dans l'un des camps, les membres d'une ONG
ont fait le rapport suivant: "Surpeuplement, manque d'abris, manque
d'eau potable. Il faut s'attendre à des épidémies". On a déjà fait
état de cas de malnutrition, de choléra, et de pneumonie au niveau des
enfants. "A notre arrivée nous n'avons trouvé aucune structure. Nous
avons dû construire nos huttes avec des feuilles de bananiers et des plastique
fournis par une organisation humanitaire" a déclaré l'un des participants.
"Le plus urgent au jour d'aujourd'hui, sont les médicaments, les
latrines et des couvertures. Dans cette zone de collines, il fait froid
et les fortes pluies ont commencé".
Les camps sont sous le contrôle des militaires qui limitent de façon drastique les mouvements de population à des jours spécifiques et pour des temps déterminés. Les membres des ONG ont déclaré: "Les gens quittent les camps en groupes très importants, ils vont chez eux et ils reviennent chargés de régimes de bananes, de morceaux de bois, de pièces de métal pour consolider leurs toits, et de tout ce qu'ils peuvent ramener de leurs terres". Les déplacés ont déclaré que leurs maisons avaient été incendiées, parfois par les militaires et que, dans le centre de la province, leurs récoltes avaient été détruites.
Les déplacés qui vivent dans les camps ne peuvent, faute de temps, cultiver leurs terres et préparer les récoltes pour les vendre à Bujumbura. Le manque d'approvisionnement du marché a aggravé une situation déjà préoccupante du fait de la sécheresse. La rareté des récoltes a contraint à puiser dans les stocks et fait flamber les prix.
Le 28 octobre, le JRS a commencé à travailler dans deux camps, en collaboration avec le Catholic Relief Service (CRS). Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a fourni des haricots et de la farine de manioc. Le JRS s'est chargé de la distribution des produits alimentaires tandis que le CRS s'occupait de celle des produits autres. L'entrée dans les camps étant interdite, le JRSs distribue l'aide alimentaire à mi-chemin entre les deux camps. S'il y a des attaques dans la nuit qui précède la distribution, le JRS ne peut pas opérer le lendemain.
Depuis le meurtre d'un groupe de personnes travaillant pour les Nations Unies, dont deux expatriés, dans la province de Rutana, le 12 octobre, l'aide apportée par les Nations Unies et les ONG pour améliorer la situation humanitaire dans les camps de regroupement, a diminué. L'insécurité permanente et les menaces proférées à l'encontre des communautés expatriées, ont conduit les Nations Unies à passer à la "phase quatre", ce qui signifie que les membres des Nations Unies ne peuvent plus travailler en dehors de la ville de Bujumbura et que les ONG qui travaillent en lien avec les Nations Unies, ont dû se retirer. Seules un petit nombre d'ONG et d'organisations d'Eglise travaillent dans les camps qui se trouvent dans des zones reculées et peu sûres. L'entrée dans les camps est très contrôlée et dangereuse à cause de l'insécurité. Autant de facteurs qui ne contribuent à faire connaître ce qui s'y passe.
Le gouvernement burundais a été condamné pour l'ouverture de ces "lieux de mort", selon le propre terme de Mgr Ntamwana, le président de la Conférence des Evêques du Burundi. "Tout se passe comme si les populations avaient été retirées des griffes des rebelles pour tomber dans les griffes d'autres rebelles", a-t-il déclaré. M. Kofi Annan, le Secrétaire Général des Nations Unies a réitéré son opposition à la politique de regroupement menée par le gouvernement, en mettant en garde contre une "catastrophe humanitaire". Même écho chez Mary Robinson, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, qui a mis l'accent sur la politique qui "viole les droits sociaux, économiques, politiques et culturels de la population concernée". Le 20 janvier, un représentant du gouvernement burundais a déclaré devant le Conseil de Sécurité que 10 camps seraient immédiatement démantelés, à l'exception des camps de la province de Bujumbura Rural qui eux perdureraient pour un certain temps.
Nelson Mandela, le nouveau médiateur des Accords de paix d'Arusha, a dénoncé les conditions "inhumaines et illégales" dans lesquelles sont maintenues des dizaines de milliers des personnes déplacées au Burundi. Dans un discours prononcé le 16 janvier à Arusha devant les représentants des 18 partis engagés dans le conflit du Burundi, il a déclaré: "Vous êtes responsables du sang de vos frères qui vivent dans les camps". Les accords de paix ne semblent pas avoir beaucoup avancé en dix-huit mois, même si Nelson Mandela déclare que des progrès ont été faits en dépit des difficultés auxquelles se sont heurtés les négociateurs. Il faut dire que les objectifs ne sont pas des moindre: il ne s'agit rien moins que de mettre un terme à une guerre civile qui en sept ans a déjà fait 200.00 victimes. L'an dernier, à partir du mois d'août, la violence s'est intensifiée dans la province de Bujumbura Rural. Des centaines de civils sont morts dans les combats qui ont opposé les forces armées aux rebelles, et le reste de la population vit dans la peur constante des attaques rebelles et des représailles de l'armée. De plus en plus de réfugiés burundais fuient vers la Tanzanie. En décembre, un nouveau camp a été ouvert dans la région de Kigoma (Tanzanie) à l'intention des centaines de réfugiés qui arrivent chaque jour.
© 2000. Service Jésuite aux Réfugiés