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Burundi

Burindi : La terre au cœur des préoccupations des rapatriés

BUJUMBURA , 15 juin 2007 (IRIN) - Bastion de la rébellion, la province de Bujumbura Rural, qui englobe Bujumbura, la capitale burundaise, a pendant des années été inaccessible aux travailleurs humanitaires et ses habitants ont été isolés de la vie économique de la ville.

Mais tout a changé en 2006, après la signature d'un accord de cessez-le-feu entre le gouvernement et les Forces nationales de libération (FNL) - le dernier mouvement rebelle encore actif dans le pays -, une trêve qui a permis l'ouverture effective de la province au reste du pays.

Pour les habitants de Bujumbura Rural, les conditions de vie se sont nettement améliorées et les milliers de personnes vivant dans des camps de déplacés internes sont rentrées chez elles.

Mais cette ouverture ne bénéficie pas à tout le monde. En effet, pour la majorité des milliers de réfugiés rapatriés des pays voisins et de déplacés internes, contraints de fuir une guerre civile qui a secoué le pays pendant plus de 10 ans, la vie aurait été plus simple s'ils avaient l'outil indispensable à leur survie : des terres cultivables.

« Nous vivons ici dans des conditions très précaires », a expliqué à IRIN Moise Barekezabe, responsable d'un camp de déplacés de la commune de Rukaramu. « Notre plus grand handicap est que nous ne possédons pas de terre cultivable ; pour survivre, nous sommes contraints de mendier auprès des communautés locales ».

Le camp de Rukaramu, qui abrite aussi bien des réfugiés que des déplacés internes, compte une centaine de familles disposant de lopins de terre de 20 mètres sur 18, situés à proximité de leurs petites habitations de deux pièces. Sur ces parcelles, ces familles cultivent des plantes maraîchères telles que du maïs, des patates douces et des légumes.

« Tout ce dont j'ai besoin, c'est d'un lopin de terre cultivable », a dit Emmanuel Niyonzima, un déplacé de 32 ans dans un autre camp de la province occidentale de Cibitoke. « J'ai trois enfants qui seront bientôt en âge d'être scolarisés. Comment subvenir à leurs besoins, si je n'ai pas de terre ? ».

La pression foncière

Deux ans après les élections démocratiques, de nombreux réfugiés et déplacés sont rentrés au Burundi. Dans ce petit pays de 27 830 kilomètres carrés et de huit millions d'habitants, la pression foncière était déjà considérable et le retour des réfugiés et déplacés n'a fait qu'exacerber le problème.

Selon un recensement de la population des déplacés, effectué en 2005 par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le pays comptait au moins 116 000 déplacés internes. Toutefois, depuis cette période, aucun retour significatif de ces populations n'a été enregistré.

D'après un compte rendu du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), la plupart des déplacés internes du sud du Burundi ont exprimé leur désir de retourner dans les régions dès qu'ils en auront les moyens, mais les déplacés originaires du nord craignent que leur retour ne ravive les tensions interethniques. Depuis 2002, le HCR a contribué au rapatriement d'au moins 342 500 Burundais.

Selon Reverien Simbarakiye, directeur du programme de réinsertion des déplacés et des réfugiés au ministère de la Solidarité nationale, des droits de l'homme et du genre, la province de Bubanza comptait le plus grand nombre de déplacés internes, estimé à 7 325 personnes ; venaient ensuite les provinces de Bujumbura Rural, avec 4 141 personnes, et de Cibitoke, avec 3 381 personnes.

Toutefois, a précisé M. Simbarakiye, ces chiffres remontent à avril 2005. « Plus aucun recensement n'a été fait par manque de moyens financiers », a-t-il souligné.

Le ministère envisage de procéder cette année à un recensement des déplacés internes, mais bon nombre d'entre eux ont peur de retourner dans leurs localités d'origine en raison des problèmes de sécurité, a-t-il fait remarquer.

« Certains nous disent que les combattants du FNL n'ont pas tout à fait déposé les armes ; d'autres se plaignent que leurs anciens voisins, responsables du meurtre de leurs parents, sont toujours là et pourraient également les tuer s'ils retournaient dans leur localité », a ajouté M. Simbarakiye.

Il y en a même qui disent qu'ils préfèrent rester vivre dans les camps parce qu'ils n'ont plus de maison dans leur village, a-t-il affirmé.

Selon M. Simbarakiye, Bujumbura Rural, Cibitoke et Bubanza sont les provinces burundaises qui ont le plus souffert de la guerre civile. Pendant des années, les différents groupes rebelles, dont le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), le parti au pouvoir, et le FNL, ont mené des opérations dans ces provinces et contraints leurs habitants à des déplacements fréquents.

Les déplacés internes face à leurs préoccupations

Outre le problème foncier, le manque d'eau potable, de système sanitaire, de nourriture et d'école pour leurs enfants sont les principales préoccupations de la majorité des déplacés internes.

Pour Deogratias Ntikazohera, secrétaire employé à la commune de Nyabiraba de Bujumbura Rural, ces préoccupations sont les mêmes pour tous.

« Les problèmes auxquels les déplacés sont confrontés sont ceux de tout le monde : la maladie de la banane qui affecte nos récoltes, mais aussi la maladie qui détruit nos patates douces », a-t-il dit.

Selon M. Simbarakiye, le gouvernement envisage de réinstaller les déplacés internes et les victimes de la guerre, et d'aider les propriétaires de terrain à construire leur maison. Quant aux personnes n'ayant nulle par où aller ou craignant de retourner dans leurs villages, elles seront installées sur des sites de réinsertion.

« Il s'agit de reloger et de faire vivre ensemble les déplacés internes et les rapatriés avec les personnes restées dans les villages », a-t-il expliqué.

Un des sites de réinstallation proposé est celui de Muyange, dans la province de Bubanza où le projet gouvernemental d'appui au rapatriement et à la réintégration des sinistrés (PARESI) a démarré et où les travaux devraient permettre de construire des habitations destinées aux déplacés internes et aux rapatriés. Un autre site a été identifié à Buhomba, dans la province de Bujumbura Rural.

Toutefois, M. Simbarakiye a indiqué que le programme ne sera pas facile à mettre en œuvre car il requiert d'importants moyens financiers, et des terrains de grande superficie.

Il y a au moins 350 000 réfugiés burundais en Tanzanie et quelque 17 000 autres en République démocratique du Congo (RDC). Et comme il est prévu de rapatrier tous ces réfugiés, cela ne fera qu'accentuer la pression foncière.

Les réfugiés congolais

Le Burundi abrite également des milliers de réfugiés de pays voisins. La plupart des réfugiés sont des Congolais de la région orientale de la RDC, mais certains aussi sont originaires du Rwanda, par exemple.

Selon le HCR, deux camps de réfugiés congolais ont atteint leur capacité d'accueil. Il s'agit du camp de Gasorwe, dans la province de Muyinga (nord-est), qui abrite au moins 8 000 réfugiés, et du camp de Gihinga, dans la province centrale de Mwaro, avec ses quelque 2 400 réfugiés.

« La plupart des personnes transférées dans ces camps sont des réfugiés de zones urbaines - qui vivent dans le pays depuis un certain temps - et qui ne souhaitent être transférés que dans des camps », a expliqué Andreas Kirchhof, chargé des relations extérieures du HCR.

Et le nombre de ces réfugiés a augmenté récemment, a-t-il ajouté, parce que de fausses rumeurs laissent penser qu'ils pourraient être réinstallés dans des pays développés.

Ces rumeurs, a fait savoir M. Kirchhof, ont été amplifiées par un programme de réinstallation qui a pris fin à la mi-mai et au cours duquel 550 réfugiés congolais ont été accueillis aux Etats-Unis.

Ce groupe de réfugiés était composé majoritairement de Congolais de l'ethnie Banyamulenge, qui avaient survécu à une attaque perpétrée en août 2004 contre le camp de réfugiés de Gatumba, situé dans la région occidentale du Burundi, près de la frontière avec la RDC. Le FNL avait revendiqué la responsabilité de cette attaque.

« Malheureusement, des offres comme celle-là, le HCR en a très peu et ce programme de réinstallation est à présent terminé », a indiqué M. Kirchhhof. « Ce qui se passe actuellement c'est que beaucoup de réfugiés pensent qu'en restant dans des camps, ils pourront un jour être réinstallés dans un pays développé ».

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