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Burkina Faso

L’évolution du front de la violence des islamistes militants au Sahel

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La violence des islamistes militants au Sahel continue de se propager vers le sud et l’ouest, exerçant une pression de plus en plus forte sur les centres de population du Mali, du Burkina Faso et du Niger, ainsi que sur leurs voisins côtiers d’Afrique de l’Ouest.

Le Sahel a été désigné comme le théâtre de la violence des islamistes militants le plus meurtrier en Afrique durant quatre années consécutives. 55 % de l’ensemble de ces morts ont eu lieux au Sahel, avec 10 400 sur un total de 18 900 morts à l’échelle du continent. On estime que 67 % de tous les non-combattants tués par des groupes islamistes militants en Afrique l’ont été au Sahel.

Trois pays du Sahel – le Mali, le Burkina Faso et le Niger – sont au cœur de la violence des islamistes militants dans la région. Cette violence a pris de l’ampleur ces dernières années. Les décès liés à ces groupes sont plus de deux fois et demie supérieurs aux niveaux observés en 2020 lors du premier coup d’État militaire au Mali. Les coups d’État ultérieurs au Burkina Faso et au Niger ont également été suivis d’une dégradation de la sécurité. Depuis le début des insurrections, il y a plus de dix ans, les groupes islamistes militants contrôlent plus de territoires et d’axes de transport que jamais dans ces trois pays. Ces chiffres sont probablement en deçà de la réalité, car les juntes militaires des trois pays ont systématiquement intimidé les journalistes qui dénonçaient les revers militaires.

L’aggravation de la menace sécuritaire dans les pays du Sahel se traduit par une pression croissante sur les pays côtiers voisins d’Afrique de l’Ouest, à savoir le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal et la Mauritanie.

La violence des islamistes militants au Sahel n’est pas uniforme, mais elle est marquée par des schémas concomitants d’expansion, de stabilisation et de légère diminution. Ces tendances divergentes méritent une analyse plus approfondie afin de mieux comprendre les points de vue, acteurs et objectifs des différents groupes extrémistes à l’origine de cette violence.

À groupes multiples, intérêts multiples

La menace des groupes islamistes militants au Sahel est multidimensionnelle, avec des groupes distincts possédant chacun son propre leadership, sa structure organisationnelle, ses objectifs, sa collecte de fonds, son mode de recrutement et ses tactiques. En 2017, plusieurs de ces groupes militants affiliés à Al-Qaïda ont rejoint un groupement appelé Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimeen (JNIM) (en français « Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans » ou GSIM) pour coordonner leurs activités et soustraire les entités composites à la surveillance.

Le groupe le plus actif du JNIM est le Front de libération du Maçina (FLM), dirigé par le charismatique prédicateur peul Amadou Koufa. Le FLM a consolidé son emprise sur le territoire autour de son bastion du centre du Mali et a utilisé cette base pour s’étendre au sud du Mali et au Burkina Faso. Il a notamment mené une attaque très médiatisée contre une base de la gendarmerie à Bamako, la capitale, en septembre 2024, au cours de laquelle des dizaines de soldats ont été tués et l’avion présidentiel incendié.

D’autres contingents du JNIM, comme Ansaroul Islam et Katiba Hanifa, ont poursuivi leurs activités dans le nord et l’est du Burkina Faso, consolidant leurs positions et s’étendant plus au sud dans les zones frontalières du Togo et du Bénin.

Les groupes islamistes militants se sont implantés pour la première fois au Sahel, dans le nord du Mali, il y a deux décennies, avec l’émergence de combattants d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), qui opéraient en Algérie. S’appuyant sur cette influence croissante, un leader touareg originaire de Kidal, Iyad ag Aghali, a fondé le groupe Ansar Dine en 2011. Ansar Dine est ensuite devenu le pilier fondateur du JNIM, ag Ghali étant reconnu comme son émir officiel.

Une autre ramification d’AQMI est l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), qui s’est rebaptisé en 2015 en prêtant allégeance à l’État islamique. S’appuyant sur son contrôle territorial de facto dans la région de Ménaka au nord du Mali (qui a été consolidé après le retrait de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) en décembre 2023), l’EIGS a intensifié ses attaques violentes dans l’ouest du Niger, où le nombre de morts a bondi de 66 % (pour atteindre 1 318 morts) au cours de l’année écoulée. Dirigés par Abu al Bara al Sahrawi, les militants de l’EIGS ont également maintenu leur pression autour de la ville de Gao, dans le nord du Mali, et dans les provinces d’Oudalan et de Séno, dans le nord du Burkina Faso, où ils se sont parfois heurtés à des militants affiliés au JNIM. La concentration des activités de l’EIGS dans cette région suggère que l’EIGS s’est forgé un territoire par rapport au JNIM, l’EIGS opérant en tant qu’acteur principal à Ménaka et dans l’ouest du Niger.

En passant au crible ces acteurs concurrents et ces zones d’influence, trois grands modèles de violence des islamistes militants se dégagent dans le Sahel :

  • Des zones de montée de la violence des groupes islamistes militants,
  • Des zones d’enracinement des groupes islamistes militants et
  • Des menaces sur les zones frontalières des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest.