SOMMAIRE ET IMPLICATIONS
Les conditions alimentaires des populations du Nord du pays sont en détérioration, en particulier dans les zones d’économie alimentaire dominées par l’élevage sur de grands espaces. Spécifiquement celle de la province de l’Oudalan est préoccupante et une attention particulière doit y être accordée.
Les stocks paysans sont épuisés depuis longtemps et les ménages ont recours aux marchés de céréales pour assurer leur alimentation. Les grands marchés régionaux et provinciaux sont bien approvisionnés mais bien qu’en baisse, les prix ne sont pas à la portée des ménages à moyen et faible revenu. Les principales activités génératrices de revenus (vente d’animaux et productions maraîchères) qui permettaient à ces populations agro-pastorales d’acheter les céréales après épuisement des stocks propres ont connu beaucoup de contraintes liées à l’insuffisance des réserves en eau, à la pauvreté des pâturages, la baisse des prix des animaux relative à une offre plus forte que la demande.
Les stratégies complémentaires se résument aux travaux sur les sites aurifères et la vente inhabituelle de produits végétaux. La consommation d’aliments d’exception est l’un des recours des ménages pauvres pour survivre.
Des interventions alimentaires ont déjà été mises en œuvre dans certaines localités du Nord, mais leur impact (amélioration de la disponibilité, baisse des prix des céréales) a été de courte durée. D’autres mesures d’atténuation (distributions gratuites de céréales, ventes à prix social, approvisionnements des banques de céréales, approvisionnement en aliments de bétail) de l’Etat et ses partenaires de la sécurité alimentaire sont en cours.
La campagne agricole 2005-06 s’installe difficilement. Les quantités d’eau reçues ne permettent pas un début effectif de la saison de croissance végétative. Cependant, les problèmes d’abreuvement des animaux sont résolus dans la plupart des régions agricoles. Le manque de semences et la qualité de ce qui existe sont posés surtout dans la région agricole du Sahel, mais la solution est difficile à trouver, car les semences qui y sont utilisées sont spécifiques à l’environnement sahélien, qui dans son ensemble a connu une mauvaise campagne passée.
CALENDRIER SAISONNIER

RESUME DES RISQUES
Au Burkina Faso, les risques actuels qui conditionnent l’évolution de la situation condition alimentaire des ménages peuvent se résumer à:
- Une disponibilité qui, apparemment s’affaiblit aussi bien dans les zones de fortes productions agricoles du Sud, de l’Ouest et de l’Est, que dans les zones structurellement déficitaires du Nord;
- Un durcissement des conditions d’accès aux céréales suite à la hausse des prix et un réduction du pouvoir d’achat des ménages ruraux ;
- Une situation alimentaire difficile pour les animaux de la moitié nord du pays, réduisant la contribution des produits de l’élevage dans la satisfaction des besoins alimentaires des ménages ;
- Un démarrage difficile de la campagne agricole courante, qui pourrait entraîner une rétention des céréales et partant une hausse des prix.
SITUATION DE LA SECURITE ALIMENTAIRE
1) Conditions alimentaires courantes dans les zones d’économie alimentaire
Globalement, la situation alimentaire s’est détériorée progressivement avec le recule de la période des récoltes. Cette détérioration s’intensifie des zones du Sud et de l’Ouest vers le Nord.
Figure 1: Situation alimentaire par province (Résultats de la mission conjointe DGPSA, FEWS NET et PAM, Mai 2005)
Réalisation: FEWS NET / BF
Dans les zones d’économie alimentaires dominées par les productions - céréalières, - de tubercules, mais aussi du coton et des fruits (régions agricoles de la Boucle du Mouhoun, des Hauts Bassins, de la Comoé, du Sud Ouest et une partie du Centre Ouest), les conditions alimentaires sont bonnes. Elles sont caractérisées par une disponibilité acceptable des céréales tant au niveau des ménages que sur les marchés de ces régions. Il n’y a donc pas de problèmes majeurs d’accessibilité d’autant plus que la majorité des ménages ont connu une hausse de leur pouvoir d’achat avec les revenus obtenus de la vente du coton.
Dans les zones d’économie alimentaire où les productions céréalières de subsistance, activités d’élevage extensif et de petit commerce (régions agricoles du Centre Est, une partie de l’Est et du Centre Sud), les conditions alimentaires sont toujours acceptables. Les marchés sont approvisionnés par des apports locaux, dénotant ainsi d’une certaine disponibilité céréalières au niveau des stocks paysans. L’accessibilité est relativement à la portée des ménages de ces régions, à l’exception de ceux qui se sont quasiment adonnés à la production du coton et des couches très démunies.
Dans la zone d’économie alimentaire dominée par les productions vivrières, les activités maraîchères et de petit élevage (régions agricoles du Plateau Central, Centre, une partie du Centre Sud, du Centre Ouest, du Centre Nord, du Centre Est et du Nord), les conditions alimentaires se dégradent progressivement. Cette situation est beaucoup plus marquée à l’extrême nord (provinces du Zandoma, du Yatenga et du Bam) où la situation est de plus en plus préoccupante. Les stocks paysans sont très faibles ou inexistants. Ces trois provinces sont concernées par les aides alimentaires programmées par le Gouvernement et les partenaires de la sécurité alimentaire. Les marchés sont approvisionnés à partir des autres régions, mais le niveau des prix rend l’accessibilité difficile, surtout pour les ménages à faible revenu. Les activités génératrices de revenus ont connu des contraintes liées à la baisse des capacités des retenues d’eau pour les productions de contre saison (maraîchage, production de céréales à travers la petite irrigation) et la faiblesse des productions pastorales qui entravé ont le bon déroulement des activités d’élevage. Les stratégies sont la migration, le travail sur les sites aurifères et la vente de divers produits forestiers (bois de chauffe, paille et les fruits sauvages). Beaucoup de ménages observent actuellement une diminution de la quantité de nourriture journalière et certains ménages ont même recours aux aliments d’exception (feuilles et fruits sauvages) pour survivre.
Dans les zones d’économie alimentaire dominée par l’élevage sur de grands espaces et la culture du mil (région agricole du Sahel, une partie des régions du Nord et du Centre Nord), la situation alimentaire est préoccupante, en particulier dans la province de l’Oudalan. Les stocks paysans sont quasiment épuisés et ce depuis plusieurs mois. Les interventions alimentaires dans cette zone ont été les plus importantes, mais les effets constatés à travers la baisse des prix des céréales ont été de courte durée. Le commerce des animaux qui représente l’une des premières sources monétaires pour l’approvisionnement en céréales est devenu atone à cause de l’amaigrissement des animaux et la fuite des commerçants exportateurs. Les grands marchés sont bien approvisionnés, mais les conditions alimentaires continuent de se détériorer, car une très bonne partie des ménages ne peuvent plus honorer les prix proposés. Les ménages sont de plus obligés de vendre les animaux reproducteurs, au risque de compromettre l’évolution de leurs troupeaux. Des actions sont donc nécessaires pour éviter une décapitalisation accrue de ces ménages dont la survie dépend beaucoup de la performance de leurs troupeaux. La consommation d’aliments d’exception (nénuphar, feuilles et fruits sauvages) est l’une des sources alimentaire des ménages les plus démunis.
EVOLUTION DES PRIX SUR LES MARCHES CEREALIERS
Les céréales se retrouvent toujours sur les marchés. Cette disponibilité relativement importante a eu un effet qui a ralenti la hausse vertigineuse des prix constatée au cours du trimestre passé.
Figure 2: Evolution des prix du mil de Janvier 2000 à Mai 2005 sur quelques marchés régionaux
(Source : SIM / SONAGESS, Réalisation : FEWS NET / BF)
Par rapport à Avril 2005, les prix observés en Mai sur le marché de Dori sont en baisse de l’ordre de 7%, mais le niveau actuel des prix dépasse toujours le pouvoir d’achat d’une bonne partie des ménages de la région. Pour que les conditions alimentaires des ménages s’améliorent, il faut que cette baisse se maintienne au cours des mois prochains.
Sur les marchés de Dédougou, Kaya et Ouagadougou, les prix sont restés à peu près au même niveau qu’en Avril. Sur ces marchés encore, les prix sont élevés et le problème d’accessibilité se pose aux ménages à faible revenu de des régions du Centre (Ouagadougou) et du Centre Nord (Kaya), car les activités maraîchères qui constituent l’une des principales sources de gains monétaires dans cette zone, ont été limitées à cause du tarissement précoce des retenues d’eau.
La hausse des prix s’est observée sur le marché de Ouahigouya, mais en dehors de Dédougou qui est une zone de forte production, ces prix sont les plus bas. Cette zone est approvisionnée en céréales par des commerçants dynamiques et cette hausse pourrait s’expliqués par le niveau élevé des prix sur les marchés des zones productrices comme Dédougou.
D’une manière générale, les prix relevés en Mai 2005 sont plus élevés par rapport à ceux de la même période des cinq années précédentes. Par ordre, suivent les années 2002 et 2001, avec toutefois des niveaux de prix nettement inférieurs à ceux de 2005.
La tendance actuelle observée sur les marchés céréaliers donne de bonnes perspectives, mais cela va beaucoup dépendre de l’installation de la saison pluvieuse. Cependant, les ménages à faible revenu vont toujours éprouver des difficultés à satisfaire leurs besoins alimentaires pendant la période de soudure.
INSTALLATION DIFFICILE DE LA CAMPAGNE 2005-06
La saison des pluies s’installe difficilement sur la quasi totalité des régions agricoles du Burkina Faso. La première décade de Mai a enregistré des pluies relativement importantes dans les régions du Sud, de l’Ouest et de l’Est (image 1 de la figure 3). Ces pluies ont permis la réalisation des premiers semis. La deuxième décade a été moins arrosée que la première (images 2 et 3 de la figure 3), ce qui pourrait occasionner des re-semis à certains endroits. Le démarrage tardif de la campagne peut entraîner une rétention des céréales qui occasionnerait une hausse des prix et donc une détérioration des conditions alimentaires des ménages de la moitié nord du pays.
Figure 3 : Estimation de la Pluviométrie par Satellite (Source : USGS)
Les pluies reçues n’ont pas permis un démarrage effectif de la campagne agricole 2005 -- 06. A la date du 1er Juin 2005, plusieurs localités des régions du centre, de l’ouest, du nord et du nord ouest connaissent un retard dans le démarrage de la saison par rapport à 2004. Cependant, le début de la présente campagne a une avance d’environ 3 semaines dans certaines localités de l’est et de la limite nord du sahel burkinabé (figure 4).
Figure 4 : Début de la saison : anomalie (2005-06-01)
Source : USGS
La croissance des végétaux n’est pas pour le moment suffisante pour améliorer l’alimentation des animaux. Néanmoins, ces pluies ont permis de résoudre le problème d’eau pour l’abreuvement des animaux dans plusieurs localités du Nord.
En plus de ce démarrage tardif, les inquiétudes des acteurs du monde rurales sont relatives à une éventuelle invasion de certaines parties du pays par le criquet pèlerin. Pour faire face à cette éventualité, les autorités du ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques s’activent dans la mobilisation des ressources financières et au renforcement des capacités du personnel technique.