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Burkina Faso

Burkina Faso : Rapport mensuel sur la sécurité alimentaire juillet 2005 - Début de saison favorable


SOMMAIRE ET IMPLICATIONS
La situation alimentaire se caractérise par une détérioration progressive des conditions de vie des ménages qui gagne peu à peu les zones de bonnes productions céréalières. Dans les régions structurellement déficitaires du Nord, la situation alimentaire est préoccupante et en particulier dans la province de l’Oudalan. D’une manière générale la disponibilité en céréales est assez faible, et les prix ont atteint un niveau très haut par rapport au pouvoir d’achat des ménages. Les activités génératrices de revenus ne sont plus porteuses, d’où les populations du Nord utilisent des stratégies diverses d’adaptation comme la consommation d’aliments d’exception. Cependant, les cas de malnutrition apparente sont peu nombreux chez les enfants de 0 à 5 ans. Néanmoins, les agents de Santé signalent une régression significative de la fréquentation des centres médicaux, faute de moyens pour honorer les ordonnances.

Les premières pluies ont permis une régénération du tapis herbacé qui ne profite pour le moment qu’aux petits ruminants. L’état général des animaux est mauvais (surtout les bovins), ce qui contribue à baisser sensiblement les prix sur les marchés à bétail. La baisse des prix des animaux est aussi favorisée par le besoin pressant en céréales et l’absence chronique de débouchés porteurs pour les produits de l’élevage.

La campagne s’est effectivement installée dans la plupart des régions agricoles, mais la majorité de celles-ci accuse un retard de démarrage par rapport à l’année passée et à la normale des cinq dernières années.

Les perspectives alimentaires au cours de la période de soudure resteront difficiles pour les ménages du Nord. Des mesures d’atténuation sont programmées par l’Etat et certains de ses partenaires humanitaires, mais vue l’ampleur des besoins il serait difficile de satisfaire convenablement les attentes des différentes couches. Ceci pose le problème des capacités physiques pour aborder les travaux champêtres et partant des performances de la présente campagne.

RESUME DES RISQUES

Les principaux risques de la sécurité alimentaire au Burkina Faso peuvent se résumer à :

- La diminution sensible des stocks paysans et marchands en céréales au plan national

- La flambée des prix et le faible niveau de revenus des ménages qui rendent de plus en plus difficile l’accès aux céréales.

- L’installation tardive de la campagne dans certaines localités qui pourrait favoriser éventuellement des rétentions de stocks de sécurité.

- L’enclavement inévitable de plusieurs zones à déficit important qui rendra difficile la circulation des céréales.

CALENDRIER SAISONNIER



SITUATION DE LA SECURITE ALIMENTAIRE

Les conditions alimentaires à l’intérieur des différentes zones

Dans les zones d’économie alimentaire dominées par les productions de maïs, de coton, de tubercules et de fruits (régions agricoles de la Boucle du Mouhoun, des Hauts Bassins, de la Comoé, du Sud-ouest et une partie du Centre-Ouest), les disponibilités en céréales deviennent de plus en plus faibles sur les marchés. Les prix ont connu une hausse importante rendant l’accès aux céréales difficile d’autant plus que le prix du coton qui est la principale culture de rente de ces régions a diminué de 215 FCFA/kg à 175 FCFA/kg. Néanmoins, les conditions alimentaires sont toujours acceptables dans ces zones d’agriculture en intensification.

Dans les zones dominées par les cultures vivrières de subsistances, d’un élevage en sédentarisation, des activités maraîchères et du petit commerce (régionales agricoles du Centre, du Plateau Central, du Nord, du Centre-Nord, une partie du Centre-Sud et du Centre-Ouest), les disponibilités paysannes et marchandes en céréales se sont considérablement réduites. Ces limites des stocks ont provoqué une hausse des prix. Le niveau actuel des prix (autour de 300 CFAF le kg de petit mil dans les marchés environnants de la Ouagadougou) est inaccessible pour les revenus des ménages moyens et faibles. Il faut noter que les prix des animaux sont en baisse continue depuis le début de l’année et qu’à travers les activités maraîchères, principale source de gains monétaires pour beaucoup de ménages, les revenus obtenus ont été aussi en baisse à cause des contraintes liées à la disponibilité en eau. Les conditions alimentaires se sont fortement dégradées, en particulier dans les parties plus au Nord où la consommation d’aliments d’exception (feuilles d’acacia tora, leptadenia astata, les fruits de Bossia senegalensis), la diminution des quantités des repas sont fréquentes. Il n’y a pas de signes apparents de malnutrition mais la faiblesse physique des producteurs pour aborder les travaux champêtres pourra réduire les résultats de la campagne en cours. Ces populations demandent à ce que les céréales soient mises à la disposition à des prix subsidiaires.

Dans les zones alimentaires de cultures céréalières, de coton, d’élevage d’activités commerciales transfrontalières (régions agricoles du Centre-Est et de l’Est), les disponibilités en céréales se réduisent et les prix sont en hausse. Les conditions alimentaires sont acceptables sauf les ménages à faibles revenus.

Dans les zones du Sahel dominées par les l’élevage sur de grands espaces et la culture du petit mil, les stocks paysans sont presque inexistants mais les marchés provinciaux (Djibo, Dori et Gorom Gorom) sont relativement bien approvisionnés. Les animaux en mauvais état se vendent très mal. Les sites d’orpaillage d’où convergent un nombre important de personnes ne sont pas rentables au regard du volume de travail effectué. Les prix ont atteint parfois des bornes estimables (38 000 F pour 100 kg à Déou au cours du mois de Mai 2005), de loin inaccessibles par les bourses des ménages. Les ménages font recours aux aliments sauvages qui ne sont pas de leurs habitudes alimentaires. L’état nutritionnel des enfants est globalement acceptable et ceci pourrait être induit par les différentes interventions humanitaires.

Les aides alimentaires

Face à la dégradation des conditions alimentaires dans les zones affectées du nord, le Gouvernement a déjà intervenu par trois fois, dont une distribution gratuite de 500 tonnes en Novembre 2004 dans les provinces touchées par le criquet pèlerin et deux ventes à des prix sociaux (2000 tonnes à raison de 5 500 F les 100 Kg en Janvier 2005 et 7000 tonnes à 10 000 F les 100 kg en Avril 2005) dans les provinces à déficit important. L’Etat a été soutenu par des institutions comme le PAM, le CRS, PDL, la Croix Rouge, Christian Aid, etc., mais aussi par des particuliers, chacun selon sa zone d’intervention et sa préférence. Ces interventions ont été appréciées par les bénéficiaires, mais à cause de la faiblesse des quantités démobilisées leur effet sur la stabilisation ou la baisse des prix n’a pas été perceptible ou l’a été de courte durée.

La dégradation continue des conditions alimentaires des ménages de la moitié nord a amené l’Etat et ses partenaires techniques, financiers et humanitaires à se mobiliser en vue de trouver des mesures d’atténuation aux difficultés alimentaires des ménages. Ainsi l’Etat prévoit encore mettre à la disposition des ménages 5 000 tonnes de céréales, Le PAM veut intervenir avec 1 400 tonnes et le PDL / Oudalan projette une deuxième opération avec 1 500 tonnes au bénéfice des populations de cette province. Toutes ces quantités seront négociées avec la Société Nationale de Gestion des Stocks de Sécurité Alimentaire (SONAGESS), car les céréales se font de plus en plus rares sur les marchés.

EVOLUTION DES PRIX SUR LES MARCHES CEREALIERS

Les marchés céréaliers du Sud et de l’Ouest (zones de hautes productions céréalières) commencent à s’affaiblir. Par contre ceux de l’extrême Nord, (Dori, Djibo et Gorom Gorom) ont un niveau d’approvisionnement intéressant en rapport avec les productions locales. Cependant, les marchés locaux des villages sont dépourvus de céréales. La tendance des prix est en général en hausse dans les différentes régions du pays. Le niveau actuel des prix soulève beaucoup d’inquiétudes chez les consommateurs, les commerçants et les autorités régionales et provinciales.

La hausse s’est poursuivie au cours des mois, tant sur les marchés de production (Dédougou) - que - les marchés de consommation (Ouagadougou, Dori par exemple). Juillet 2005 est aussi celui qui a enregistré le plus haut niveau de prix, comparativement au même mois des dix dernières années.


Figure 1 : Evolution des prix du mil pendant le mois de Juin des années 1995 à 2005

Source : SIM/SONAGESS, Réalisation: FEWS NET/BF


Généralement, cette période n’est pas celle de la pointe des activités des marchés à bétail, mais la baisse de leur animation a été accentuée cette année par les difficultés alimentaires que vivent les hommes et les animaux, en particulier dans les zones de l’extrême nord du pays. Les faibles prix n’encouragent les propriétaires qui sont obligés de vendre même des femelles et des jeunes pour acheter des céréales. De l’autre côté, les acheteurs ne sont pas motivés à de la faiblesse des animaux qui peuvent succomber au cours du transport et l’absence chronique, d’où les prix sont maintenus très bas. Il pourrait en résulter une forte décapitalisation du bétail dans les zones de l’extrême nord du pays. Par exemple au cours de la dernière semaine de Juin, à Tikaré dans la province du Bam, il fallait vendre environ 10 chèvres pour s’acheter 100 Kg de mil. Il y a une forte dégradation des termes d’échange bétail/céréales car il y a 3 mois, le sac de 100 Kg de mil s’échangeait contre 4 chèvres dans la même localité. La situation est encore plus grave dans la région agricole du Sahel, à forte concentration de pasteurs. Cela revient à dire que les pasteurs éprouvent actuellement de difficiles conditions de vie.

EVOLUTION DE LA CAMPAGNE 2005 - 2006

Officiellement démarrée depuis le 1er Avril, la campagne connaît des niveaux d’installation variables selon les localités à l’intérieur des régions agricoles. Les cumuls pluviométriques sont dans l’ensemble satisfaisants comparés à la même période de l’année dernière et à la moyenne de long terme, c’est-à-dire de 1971 à 2000.

Les cumuls pluviométriques au 20 Juin 2005 sont globalement supérieurs à ceux enregistrés en 2004 dans les stations échantillons de FEWS NET, dont les données proviennent de la direction de la Météorologie Nationale. La variation positive la plus importante se retrouve à Dori, et le seul déclin est enregistré à Bobo-Dioulasso (Figure 2).


Figure 2 : Comparaison des quantités d’eau reçues du 1er Avril au 20 Juin 2005 à celles de la même période de 2004 et de la moyenne de 1971 à 2000

Source : Direction de la Météorologie Nationale, Réalisation: FEWS NET/BF


Par rapport à l’évolution des cultures, il apparaît une bonne satisfaction des besoins actuels en eau des cultures de l’ordre de 80 à 100 % dans la majorité des zones du pays (Figure 3). Ceci dénote d’un bon démarrage de la saison agricole dans ces zones. A la 3ème décade de Juin, la campagne était à ses débuts dans plusieurs localités des provinces du Sanmatenga, du Nasmentenga, de l’Oudalan, du Soum et du Yatenga. Un retard de démarrage était constaté au Nord-Ouest, correspondant à des localités des provinces du Sourou, de la Kossi et du Mouhoun. Quelques plages des provinces du Mouhoun, de la Kossi, des Hauts Bassins, du Sanguié, du Boulkiemdé, du Namentenga, de la Gnagna et du Séno connaissaient des niveaux de satisfaction pauvre à médiocre de l’ordre de 50 à 79%.

Figure 3 : Indice de satisfaction des besoins en eau des cultures

Source : USGS


Les premières pluies ont entraîné un bon remplissage des points d’eau, mais la régénération du tapis herbacé ne résout pas encore les problèmes alimentaires du gros bétail (Figure 4) qui se trouvent toujours dans un mauvais état général (en particulier dans le Nord). Dans la partie Nord cette campagne risque de connaître une réduction de la capacité des producteurs dans l’entretien des champs qui aurait pour conséquence une réduction des rendements.

Figure 4 : Interprétation des Indices de végétation par la différence normalisée (NDVI) par le satellite NOAA

Source : USGS


Toujours dans cette partie, il manque de semences appropriées. Les intervenants comme le CRS ont été actifs pour la résolution de cette insuffisance, mais de nombreux producteurs cherchent encore des solutions. Cette situation pourrait se compliquer si des poches de sécheresse apparaissaient et rendraient nécessaires des cas de re-semis.

LES PERSPECTIVES ALIMENTAIRES ET SUGGESTIONS

L’évolution des conditions alimentaires des ménages du Nord reste incertaine pendant la période de soudure. Les paramètres qui conditionnement cette évolution sont la progression de la campagne en cours et les interventions alimentaires.

Deux principales suggestions peuvent être formulées en vue d’une atténuation des difficultés alimentaires pendant la soudure :

- Améliorer la disponibilité en céréales jusqu’au niveau département et ce avant la dégradation complète des routes qui enclavera les zones à déficit important ;

- Etablir les prix de sorte que toutes les couches de la population puissent avoir accès aux céréales.

Ces mesures permettraient de soutenir ces populations pour qu’ils puissent affronter efficacement les travaux champêtres en cours qui conditionneront leur avenir alimentaire.