DAKAR, 15 janvier 2010 (IRIN) - Le « programme
accéléré pour la survie de l'enfant », mené par le Fonds des Nations Unies
pour l'enfance (UNICEF) dans 11 pays d'Afrique de l'Ouest, n'a pas permis
de sauver significativement plus de vies que dans les zones qui n'avaient
pas bénéficié du programme, d'après une évaluation publiée cette semaine
dans The Lancet - mais des analystes disent que cela ne signifie pas que
les actions de l'UNICEF n'étaient pas adaptées.
« Ils ont fait ce qu'il fallait
», a dit à IRIN Jennifer Bryce, évaluatrice et chercheuse à la Johns Hopkins
Bloomberg School of Public Health. « Ils ont fait ce qu'il est possible
de faire rapidement et hors des systèmes de santé. Ce qui a constitué une
déception et une opportunité manquée, c'est qu'ils n'aient pas fait davantage
».
L'évaluation, qui s'est concentrée
sur le Bénin, le Ghana et le Mali, a analysé l'impact du programme de l'UNICEF
pour la survie de l'enfant, qui a coûté 27 millions de dollars et a été
mené entre 2001 et 2005.
Les résultats ont montré que la
mortalité des enfants de moins de cinq ans avait baissé de 13 pour cent
au Bénin, de 24 pour cent au Mali et de 20 pour cent au Ghana, mais que
dans les deux premiers pays cités, les chiffres n'avaient pas plus diminué
dans les zones ayant bénéficié du projet, tandis que les données comparatives
n'étaient pas disponibles en ce qui concerne le Ghana.
Une des raisons expliquant ces
résultats est que l'UNICEF a incité les ministères de la Santé, les bailleurs
et les organisations humanitaires dans les pays impliqués à adopter des
approches similaires de la survie de l'enfant, ce qui a contribué à faire
baisser les taux de mortalité dans les autres zones également, a dit à
IRIN Mickey Chopra, directeur de la santé à l'UNICEF.
« Dans la plupart des cas, il
y a eu une chute considérable de la mortalité infantile. Ces pays sont
très pauvres et il ne s'agissait pas d'une période de prospérité économique
ou de déclin de la pauvreté, donc ce sont les interventions qui ont vraiment
fait la différence », a dit M. Chopra à IRIN.
L'UNICEF a mis en place ce projet
dans certaines des régions les plus difficiles d'accès et les plus défavorisées
des pays concernés, a souligné M. Chopra.
D'autres critiques de l'approche
de l'UNICEF portent sur l'insuffisance de l'attention portée à la sous-nutrition,
et aux interventions concernant la mortalité néonatale (mortalité des nourrissons
âgés de 28 jours et moins).
L'UNICEF n'a pas suffisamment
fait pression auprès des ministères de la Santé pour qu'ils autorisent
les volontaires communautaires à traiter les enfants souffrant de pneumonie,
de diarrhée et de paludisme - les trois maladies qui provoquent le plus
de décès chez les enfants en Afrique de l'Ouest. Un tel changement pourrait
réduire considérablement les taux de mortalité infantile, a dit l'évaluatrice,
Mme Bryce.
« Les enfants ne peuvent pas attendre
les journées de la santé de l'enfant pour être traités. Ils ont besoin
de quelqu'un sans délai, là o=F9 ils se trouvent, lorsqu'ils sont malades
».
Parmi les interventions qui ont
fait leurs preuves, on peut citer le fait de donner aux enfants des antibiotiques
contre la pneumonie, du zinc et des sels de réhydratation orale contre
la diarrhée, et des polythérapies à base d'artémisinine ainsi que des moustiquaires
contre le paludisme.
Les leçons de l'expérience
L'UNICEF a écouté et répondu à
ces leçons, a dit Mme Bryce. « Ils ont vraiment répondu aux résultats,
même jusqu'au plus haut niveau ».
L'agence a changé de stratégie,
travaillant avec d'autres pour faire pression auprès des ministères afin
qu'ils modifient leurs politiques sur les responsabilités des travailleurs
de santé communautaires pour administrer les traitements, a dit M. Chopra,
de l'UNICEF, et ce changement de politique est en cours dans 46 pays africains,
dont le Mali, le Malawi, et l'Ethiopie.
La mortalité néonatale occupe
aujourd'hui une place plus centrale dans les interventions pour la survie
de l'enfant, et l'UNICEF fait partie des nombreux donateurs qui s'efforcent
de faire de la nutrition une priorité de l'agenda.
Modèles informatiques
Pour Mme Bryce, la nouveauté la
plus passionnante qui ait émergé de l'analyse de la survie de l'enfant
ces dernières années est le développement de modèles informatiques capables
d'analyser précisément les causes de mortalité infantile et les effets
de différentes interventions. Cela permet aux experts d'entrer différents
scénarios de réponse - renforcer les distributions de moustiquaires et
ralentir les interventions anti-VIH par exemple - afin de déterminer quelle
stratégie permettrait de sauver le plus de vies.
« Avec cette technologie, il n'est
pas nécessaire que les donateurs décident de l'agenda. L'agenda peut être
déterminé [directement] par les facteurs de mortalité », a dit Mme Bryce.
Prise de risques
Suite à la publication des résultats
de l'évaluation, qui a mis au jour, sans fard, les faiblesses du programme
de l'UNICEF, certains ont craint que l'UNICEF et d'autres organisations
humanitaires n'évitent à l'avenir de publier des résultats d'évaluation
peu valorisants. « Après ce qu'il s'est passé ces derniers jours, pourquoi
voudrait-on publier une évaluation ? », a dit Mme Bryce.
Mais pour M. Chopra, ce serait
une erreur. Les organisations humanitaires et les bailleurs ont promis
de faire preuve d'une plus grande transparence au sujet de leurs activités,
afin de renforcer la culture de responsabilité dans ce secteur souvent
opaque.
« Nous avons commandé cette évaluation
et nous ne nous sommes pas opposés à sa publication. Il est de notre responsabilité
de partager ces leçons. Nous nous engageons à continuer à apprendre comment
améliorer le travail que nous réalisons. et nous nous engageons à mettre
nos résultats dans le domaine public ».
aj/cb/il/ail[FIN]
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