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Aide : faut-il revoir la participation communautaire ?

Nairobi, 29 avril 2015 (IRIN) - Le développement mené par la communauté (DMC) est instinctivement logique – on donne aux communautés le pouvoir d'élaborer et de piloter leurs propres projets de développement et on obtient de meilleurs résultats, n'est-ce-pas ? Faux. Ce briefing vise à comprendre pourquoi le DMC ne tient pas toutes ses promesses, du moins dans les pays qui sortent d'un conflit.

Qu'est-ce que le DMC ?

Le DMC et la CDR (pour reconstruction dirigée par la communauté) ont trois objectifs majeurs : favoriser un redressement socio-économique, un renforcement de la cohésion sociale et une meilleure gouvernance. Le DMC est considéré comme particulièrement utile dans les pays qui sortent d'un conflit et dont les infrastructures sont souvent fragiles, les institutions sont absentes, l'ordre est perturbé et la société est désorganisée.

Au cours de ces dix dernières années, la Banque mondiale à elle seule a approuvé le financement de plus de 600 projets de DMC dont le montant s'élève à plus de 28 milliards de dollars. D'après la Banque mondiale, « les hommes et les femmes pauvres sont capables de s'organiser efficacement pour identifier les priorités de la communauté et résoudre les problèmes rencontrés à l'échelle locale en travaillant en partenariat avec les gouvernements locaux et d'autres institutions d'accompagnement », si on leur donne les moyens et si les conditions sont appropriées.

Un mot tendance passé de mode ?

D'après une « analyse critique » publiée par UK Aid et le Comité international de secours (International Rescue Committee, IRC) et qui s'appuie sur les évaluations des programmes mis en œuvre en Afghanistan, en Indonésie, en République démocratique du Congo (RDC), au Liberia et en Sierra Leone, « le bilan du DMC/CDR dans les zones touchées par les conflits est mitigé et globalement décourageant».

L'analyse a constaté que, si des gains ont été enregistrés en matière de bien-être économique à court terme (bien qu'aucun gain n'ait été enregistré en RDC et au Liberia), de manière globale, les résultats liés aux indicateurs de gouvernance et de cohésion sociale dans les cinq programmes étaient bien plus mitigés. Cela « illustre la difficulté d'apporter des changements sociaux et politiques », souligne l'étude.

D'après Sheree Bennett, conseillère en recherche et en évaluation au sein de l'IRC, une partie du problème pourrait résider dans l'ambition des projets. « Il est difficile de trouver une intervention qui pourrait entraîner des changements dans les trois domaines – bien-être, gouvernance et cohésion sociale – en même temps », a-t-elle dit à IRIN. « On pourrait simplement donner la priorité à l'un de ces domaines ».

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La phase I du programme Tuungane mis en œuvre dans l'est de la RDC par l'IRC et CARE a bénéficié à environ 1,8 million de personnes venant de 1 250 villages touchés par le conflit – cette initiative est l'une des plus importantes de ce genre. Financée à hauteur de 46 millions de dollars par le Royaume-Uni, elle a permis d'organiser l'élection de comités locaux chargés de travailler avec les communautés pour sélectionner des projets de développement (principalement des écoles) et le versement de petites aides.

Dans le cadre du programme, 1 700 salles de classe et 150 cliniques ont été construites dans une région embourbée dans le conflit et négligée. En 2011, une évaluation exhaustive de l'impact a été réalisée : dans une étude randomisée, les évaluateurs ont versé des aides en espèces à des villages participant au programme Tuungane et à des villages ne participant pas au programme, puis ils ont observé ce qu'il se passait. L'argent a-t-il été détourné ou a-t-il été correctement utilisé ? Comment les décisions ont-elles été prises ?

L' étude a montré qu'il n'y avait pas vraiment de changement de comportement : les subventions en espèces ont été convenablement utilisées dans les villages qui participaient au programme et dans les villages qui n'y participaient pas ; dans les deux cas, c'est à des comités démocratiquement élus qu'est revenue la décision de déterminer les dépenses ; et, de plus, « les estimations des effets sur le bien-être [étaient] en général faibles et [étaient] négatifs dans certains cas ».

Les leçons ont-elles été retenues ?

Les leçons du programme Tuungane ont été prises en compte lors de la phase II. Le nouveau programme, estimé à 95 millions de dollars, accroît l'investissement par habitant d'un dollar par personne par an à plus de 15 dollars en réponse aux inquiétudes selon lesquelles l'intervention initiale était sous-financée (en comparaison, le projet des villages du Millénaire prévoit un financement de 120 dollars par personne par an).

Dana Olds, Directrice des programmes de gouvernance de l'IRC en RDC, a dit à IRIN que la phase II du programme représente une évolution : la priorité est donnée aux objectifs de gouvernance ; l'accent est davantage mis sur les secteurs reconnus pour le financement du développement ; et il y a de nouveaux outils de redevabilité sociale – notamment des fiches d'évaluation communautaires utilisées par le personnel des écoles et des cliniques ainsi que les comités des villages pour mesurer la qualité des services sociaux et favoriser la redevabilité sociale.

« Quelle est l'alternative au DMC ? Se rendre sur place et construire des choses sans forcément tenir compte des priorités de la communauté ? », a demandé Mme Olds. « Nous avons fait un important travail de soutien pour améliorer l'efficacité du programme Tuungane » – qui se reflète dans les commentaires positifs contenus dans les fiches d'évaluation communautaires.

Cela a nécessité une collaboration avec les autorités nationales pour éliminer les obstacles à la fourniture de services – une chose que les communautés de l'est de la RDC, qui ne se sont pas encore remises du conflit, ont du mal à faire.

Une meilleure conception des projets

Les théories du changement contenues dans l'approche DMC/CDR manquent-elles de réalisme – particulièrement dans les pays qui sortent d'un conflit ? Les délais donnés pour l'observation des changements sont-ils trop courts ? La portée des projets choisis est-elle trop limitée pour noter un impact ? L’état et les institutions s'identifient-ils aux projets (après tout, les écoles et les cliniques ont besoin d'enseignants et de médecins) ?

D'après Mme Bennett, le DMC a trop longtemps été considéré comme la panacée, avec un mélange d'objectifs ajoutés au projet. Il convient désormais de se pencher sur plusieurs points : la définition des objectifs et leur justesse, l'indicateur permettant de mesurer le succès, la définition de la communauté, et de manière plus philosophique, du choix.

Une théorie sociale pertinente « est le fondement de la logique et de la conception du programme », ont écrit Mme Bennett et Alyoscia D’Onofrio de l'ICR dans un texte publié en début d'année. « Malgré notre désir de trouver des solutions évolutives et facilement reproductibles aux problèmes rencontrés dans les zones touchées par les conflits, nous sommes soumis à un processus long, un processus répétitif qui nécessite de faire des essais, d'apprendre, de s'adapter et de faire de nouveaux essais ».

oa/ag-mg/amz