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60ème session CADHP : Intervention orale générale sur la situation des droits humains en Afrique

Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les Commissaires,

La FIDH salue les importantes avancées en faveur des droits humains et des libertés fondamentales sur le continent comme en Gambie, où le choix des électeurs a finalement été respecté ouvrant la voie à une transition démocratique longtemps attendue ; ou encore la décision en appel des Chambres africaines extraordinaires confirmant la condamnation à la perpétuité d’Hissène Habré pour les crimes commis au Tchad entre 1982 et 1990.

Pourtant, les droits humains en Afrique continue d’exiger une action forte de la Commission. Il s’agit notamment du défi d’une lutte contre le terrorisme respectueuse des droits humains, qui doit être une priorité pour la Commission et nos États. Ici au Niger, les attaques meurtrières de Boko Haram depuis 2015 ont provoqué le déplacement de 200 000 personnes mais la lutte contre le groupe terroriste s’est également menée avec son lot de violations des droits humains même si le gouvernement tente depuis un an d’y mettre un terme. Au Mali voisin, 2 ans après la signature de l’Accord de paix, les retards de sa mise en oeuvre sont instrumentalisée par les groupes armés qui multiplient les attaques. Pour la seule année 2016, nous avons dénombré 385 attaques qui ont coûté la vie à 332 personnes dont 207 civils pour un conflit qui s’étend maintenant au Centre du pays. Au-delà du Sahel, c’est le continent tout entier, qui est désormais confronté à la question terroriste. Face à cette menace, nos États accentuent souvent leur rhétorique sécuritaire pour légitimer une contre-offensive menée trop souvent au mépris du droit international et instrumentalisent les lois anti-terroristes pour réprimer les opposants et la société civile comme en RDC, au Burundi, au Zimbabwe, en Ethiopie ou au Kenya. Nos États doivent maintenant privilégier une lutte contre le terrorisme respectueuse des droits humains, basée notamment sur les Principes et directives de la Commission, car la victoire contre ce fléau ne pourra être obtenue en bafouant les droits humains.

La FIDH appelle aussi la Commission à renforcer son action relative aux graves crises. Au Soudan du Sud, l’ampleur et la nature des crimes commis par les forces gouvernementales, celles de l’opposition et de leurs milices affiliées, exigent une action coordonnée et urgente. Les crimes sexuels massifs commis par les éblligérants constituent des stratégies de guerre qui appellent de la Commission africaine l’adoption d’une résolution enjoignant les autorités à offrir des garanties de protection, de justice et de réparation aux victimes.

Au Burundi, les deux ans de crise ont fait au moins 2 000 morts, entre 400 et 900 disparus, des centaines de personnes torturées, plus de 10 000 ont été ou sont détenues arbitrairement, et 420 000 Burundais sont réfugiés dans les pays voisins dans l’espoir de fuir les violences politiques. En l’espace de deux ans, toute l’opposition politique indépendante a été réduite au silence et les organisations indépendante de défense des droits humains ont été suspendues voire définitivement radiées, comme la Ligue ITEKA.

La Commission devra également être particulièrement vigilante et mobilisée face aux enjeux électoraux à venir comme en République Démocratique du Congo, où les incertitudes entretenues quant à l’organisation de l’élection présidentielle alimentent déjà la recrudescence des conflits et des violations des droits humains comme à l’est ou au sud du pays. Dans les Kasaï. les Nations unies ont confirmé l’existence de 40 fosses communes qui serait le bilan de la sanglante répression menée par les FARDC contre les miliciens Kamuina Nsapu. A ces crimes, vient s’ajouter la poursuite de la répression des voix contestataires et la restriction accrue de l’espace démocratique, contribuant à aggraver la crise électorale. Dans le même temps, le Kenya se prépare à un scrutin majeur après des primaires émaillées de violences et d’irrégularités. Dans ce contexte de tensions, les défenseurs des droits de l’Homme, pourtant piliers de la démocratie dans ce pays, font face aux menaces, actes d’intimidation ou arrestations et détentions arbitraires.

A l’heure où se discute une nouvelle architecture de l’Union africaine, ces exemples rappellent la nécessité de renforcer la coordination dans la gestion des crises en intégrant d’avantage la question des droits humains dans la prise de décision mais aussi, et surtout, dans l’opérationnalisation de ses actions, à travers des feuilles de routes précises en matière de protection des droits humains. La Commission devrait ainsi montrer la voie et adopter des résolutions constituant de telles feuilles de route sur le Soudan du Sud, le Burundi, le Kenya et la RDC.

Madame la Présidente,

Dans ce contexte, la justice et la lutte contre l’impunité doivent être des objectifs prioritaires car c’est un moyen de prévention des crimes les plus graves, et un soutien aux réformes institutionnelles nécessaires pour le renforcement de l’État de droit et la non répétition des crises telles qu’évoquées à l’instant. Le procès en cours d’Haya Sanogo au Mali, l’arrestation et l’extradition de Toumba Diakité pour le massacre du 28 septembre en Guinée sont des signaux encourageant, tout comme la mise en place progressive de la Cour pénale spéciale en Centrafrique. Mais l’échec du procès de Simone Gbagbo en Côte d’Ivoire ou les blocages rencontrés dans la mise en place de la Cour hybride pour le Soudan du Sud montrent que la lutte contre l’impunité doit être portée par une volonté politique forte et constante, à laquelle la Commission doit continuer d’appeler. Nous encourageons également la Commission à faire usage des leviers à sa disposition pour lutter contre l’impunité des crimes. À ce titre, nous l’appelons, lorsque les conditions sont réunies, à saisir la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples pour les situations de violations graves ou massives des droits humains comme au Burundi.

Je vous remercie.