Depuis le début du conflit en 2012, le Mali fait face à une crise humanitaire de grande ampleur. Les conflits qui sévissent dans les régions du nord du pays et les affrontements entre groupes rebelles ont accentué les besoins déjà importants des populations, notamment des plus vulnérables. Selon l’évaluation humanitaire menée par OCHA en 2016, 2,5 millions de personnes ont toujours besoin d’une assistance humanitaire au Mali. La situation est complexe et les difficultés d’accès à l’eau et à la nourriture, les risques d’insécurité alimentaire, la perte des moyens de subsistance, l’accès à la santé et l’éducation sont encore un combat quotidien pour de nombreux ménages de la région. La région de Ménaka, parmi les régions les plus vulnérables, a été fortement affectée. L’inflation des prix des denrées alimentaires due à la crise a eu un impact drastique sur les revenus des ménages et leurs ressources. Par conséquent, l’accès à la nourriture et aux moyens de subsistance pose de sérieuses difficultés et la capacité de nombreuses familles à subvenir à leurs besoins alimentaires primaires est devenu un défi auquel elles sont confrontées au quotidien.
Soutenir la reconstitution durable des cheptels
Depuis août 2015, ACTED, avec le soutien d’OFDA, apporte un soutien à plus de 13 000 ménages vulnérables (soit 78 000 personnes) touchés par l’insécurité alimentaire en appuyant les activités agricoles et l’élevage, dans le cadre d’un projet d’appui aux activités d’agriculture et d’élevage en faveur des ménages les plus vulnérables de Ménaka affectés par les conflits et l’impact du changement climatique. 2500 ménages (soit 15 000 personnes) ont été sélectionnés pour recevoir deux chèvres et de la nourriture pour bétail afin de reconstituer leur cheptel. Puis, les services vétérinaires ont été appuyés afin de mener une campagne de déparasitage de masse sur 50 000 bêtes et ainsi sensibiliser les populations sur l’importance de la vaccination et du déparasitage. Par ailleurs, 450 maraîchers ont bénéficié d’intrants et sont formés aux techniques de maraîchage, et plus de 700 agriculteurs ont reçu un appui et des semences pour la culture du bourgou, une culture fourragère utilisée comme nourriture pour le bétail. Le soutien apporté par ACTED vise à renforcer le lien économique entre les éleveurs et les agriculteurs et ainsi apaiser les tensions agro-pastorales. Enfin, des activités d’argent contre travail ont également été mises en œuvre afin de permettre aux ménages les plus vulnérables d’avoir accès à une source de revenu immédiate pendant la période de soudure, tout en permettant aux populations de réaliser des activités et infrastructures communautaires améliorant les capacités de résilience. Ainsi, par la restauration de leurs moyens de subsistance, les ménages affectés par les conflits seront plus aptes à faire face aux difficultés de sécurité alimentaire qui sévit dans la région.
L’histoire d’Agheïsha
Parmi les bénéficiaires, Agheïsha, habitante d’Inekar et mère de trois jeunes enfants, a accepté de témoigner. Comme beaucoup de personnes dans cette région, Agheïsha avait un troupeau de bétail avant la crise qui lui permettait d’avoir de la nourriture et une activité stable pour elle et sa famille. Elle a perdu son troupeau suite à la crise, et, souffrant d’un handicap physique, il était devenu impossible pour elle de trouver de la nourriture et subvenir aux besoins de sa famille. Il y a environ 5 mois, Agheïsha a reçu deux chèvres lors de la distribution organisée à Inekar. Ambitieuse, elle compte bien reconstituer son cheptel et profiter des revenus de la vente du lait pour assurer les besoins quotidiens de sa famille. La stratégie d’Agheïsha est un exemple de relèvement et de capacité à répondre à la fois aux besoins primaires sur le court terme et sur le moyen terme, et ainsi faire le lien entre urgence et relèvement précoce. Elle explique que 10 têtes de bétail de son troupeau ont pu être déparasités en août 2016 grâce à la campagne de vaccination et de déparasitage mise en œuvre par ACTED, en partenariat avec les services vétérinaires locaux. Les sensibilisations associées lui ont permis de comprendre la nécessité du déparasitage pour garantir la bonne santé et la survie de son troupeau. Dorénavant, elle conduira régulièrement ses nouvelles bêtes aux services vétérinaires. Grâce à ce projet, Agheïsha est soulagée car elle peut subvenir aux besoins de sa famille, elle a même retrouvé espoir et peut penser au futur, et continuer à faire grandir son troupeau et enseigner l’élevage à ses enfants.
Des défis persistants
Bien que ce projet réponde aux urgences des populations vulnérables et apporte une aide en termes de sécurité alimentaire, le nord du Mali reste confronté à une insécurité nutritionnelle importante. La récurrence des évènements et catastrophes naturels, comme la sécheresse ou les inondations, les pertes de bétail liées aux épidémies ou au manque d’eau, le manque d’infrastructures agro-pastorales et le faible accès à l’eau laissent la région de Ménaka dans une situation d’urgence.
Au regard de la saison sèche qui s’annonce difficile, la situation d’insécurité alimentaire risque d’être conséquente, notamment car les activités liées à l’élevage restent parmi les activités principales de la région de Ménaka, avec 15% de la population ayant une activité liée au bétail. D’après une enquête réalisée par ACTED en avril 2016 dans la région de Ménaka, non seulement plus d’un tiers des ménages n’ont pas de source de revenu et ont un indice de consommation alimentaire faible, mais 71% et 62% des personnes enquêtées se disent respectivement ne pas avoir de stock de nourriture pour leur famille et d’aliments bétails pour leur troupeau. C’est pourquoi ACTED, grâce au financement d’OFDA, a décidé de reconduire un projet similaire d’appui multisectoriel en faveur des ménages les plus vulnérables affectés par les conflits dans les régions de Ménaka et de Gao, et continuer de soutenir les populations les plus à risque.