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Mali

Conseil de sécurité : M. Albert Koenders demande à la communauté internationale d’appuyer le Mali à poser les bases durables pour la paix et la réconciliation

CS/11248
Conseil de sécurité
7095e séance – matin

Fort de son récent retour à l’ordre constitutionnel, le Mali doit poursuive ses efforts en vue de se stabiliser et de se redresser économiquement, en combattant les causes profondes de ses crises successives, a souligné, ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, M. Albert Gerard Koenders, en présentant le troisième rapport* du Secrétaire général sur la situation au Mali.

Pour maintenir cet élan, il est impératif tant pour les autorités maliennes que pour la communauté internationale de s’acquitter des engagements mutuels qu’ils ont pris lors de la conférence des donateurs à Bruxelles le 15 mai 2013, qui avaient été réaffirmés à Bamako, le 7 novembre dernier. La conférence de suivi, prévue à Bruxelles le 5 février prochain, marquera un tournant important pour le Mali, a soutenu M. Koenders.

M. Koenders, qui est aussi le Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a salué la bonne tenue des élections présidentielle et législatives, étape qui a permis au Mali de réaffirmer son intégrité territoriale. La communauté internationale, a tenu à préciser le représentant du Mali, a reconnu « le caractère transparent et crédible » de ces élections.

Le Représentant spécial a invité le Gouvernement malien à mettre en œuvre les priorités fixées par le Président du Mali, M. Ibrahim Boubacar Keita, telles que la réconciliation nationale, la lutte contre l’impunité et la corruption, la réforme du secteur de sécurité, le renforcement des capacités institutionnelles et le développement.

Dans les mois qui viennent, le Mali devra en effet « poser les bases durables pour la paix et la réconciliation et redevenir un partenaire stable » pour assurer la sécurité régionale, a recommandé M. Koenders. Il a souligné l’importance des pourparlers inclusifs qu’il faut mener avec les communautés du nord et les signataires de l’Accord préliminaire du 18 juin 2013. Le Mali doit se redéployer et accélérer la fourniture de services de base à toute la population, tout en réformant le secteur de la sécurité et en menant à bien le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), a-t-il ajouté.

M. Koenders s’est félicité des mesures de confiance prises dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord préliminaire, notamment l’organisation par le Gouvernement d’une série de consultations inclusives. Il a cité en outre les progrès accomplis dans le cadre du Comité de suivi et d’évaluation (CSE) et de la Commission technique mixte de sécurité (CTMS) dans la mise en œuvre de l’Accord préliminaire.

Notant que le délai de 60 jours pour démarrer les pourparlers inclusifs avait expiré, le Représentant spécial a demandé aux parties signataires de l’Accord de s’entendre le plus rapidement possible sur les principes, les conditions et la forme d’un processus de pourparlers inclusifs qui permettra d’aborder tous les aspects politiques et sécuritaires. Il faudrait parallèlement accélérer le processus de cantonnement pour entamer le processus de DDR et la réforme du secteur de la sécurité (RSS), a-t-il ajouté. Pour sa part, la MINUSMA doit mettre en place un groupe de coordination pour appuyer la planification et assurer la cohérence et la coordination des interventions des partenaires internationaux dans le cadre du soutien au processus de cantonnement, de DDR et de la RSS.

« La situation au Mali demeure cependant volatile », a prévenu M. Koenders, qui a condamné fermement les attentats terroristes, commis principalement dans la région de Kidal. Ces attaques, a-t-il rappelé, avaient causé des morts et blessés au sein de la population civile et de l’armée malienne, ainsi que la mort de quatre Casques bleus et de deux journalistes français. Pour faire face à cette menace terroriste, il est important de renforcer la coordination en vue d’assurer la stabilité des régions du nord, tant au niveau politique que sécuritaire, avec le concours de la MINUSMA et des partenaires nationaux et internationaux, a insisté M. Koenders.

La Mission compte actuellement un effectif de 5 488 militaires sur les 11 200 autorisés; 71 officiers de police sur les 320 autorisés; et 883 unités de police sur les 1 120 prévues. Compte tenu des problèmes de sécurité auxquels est confrontée la population, M. Koenders a voulu que la communauté internationale puisse assurer le déploiement complet et sans retard de la Mission dans le nord du pays. La MINUSMA veille au respect des droits de l’homme, notamment pour combattre la violence sexuelle. Elle a aussi approuvé 13 projets à impact rapide, a-t-il indiqué.

Sur le plan humanitaire, le Chef de la MINUSMA a salué les progrès considérables accomplis grâce aux efforts du Gouvernement. Ainsi, plus de 145 000 enfants ont pu retourner à l’école à Gao et à Tombouctou, de nombreux centres médicaux dans les régions du nord ont été réouverts, plus d’un million de personnes ont bénéficié d’un accès à l’eau potable et plus de 217 000 enfants souffrant de sévère malnutrition ont été secourus.

Malgré tout, près d’un demi-million de personnes sont toujours déplacées à l’intérieur du Mali et dans les pays voisins, au moins 800 000 personnes nécessitent une assistance alimentaire urgente et 2,4 millions souffrent d’une insécurité alimentaire modérée.

À ce jour, seulement 55% de l’appel consolidé de 2013 pour le Mali ont été versés, a-t-il fait observer avant d’appeler les donateurs à respecter les engagements qu’ils ont pris lors de la Conférence de Bruxelles du 15 mai 2013 en faveur du développement du Mali. Ces engagements avaient été réaffirmés à Bamako le 7 novembre 2013. Il a rappelé que la Conférence de suivi aura lieu à Bruxelles, le 5 février 2014. « Il ne s’agit pas de donner un chèque en blanc », a-t-il assuré, en proposant de définir un cadre de responsabilité mutuelle et de transparence renforcée.

Le représentant du Mali, M. Sékou Kassé, qui participait à cette séance, a souligné l’engagement de son gouvernement à restaurer « la cohabitation et le vivre ensemble » entre populations des régions du nord, d’une part, et entre les populations du nord et du sud, d’autre part. Il a rappelé que le Gouvernement du Mali avait élaboré et validé avec la MINUSMA les éléments d’une feuille de route de sortie de crise dont l’un des points prévoit le démarrage prochain des pourparlers de paix inclusifs. « La mise en place d’un ministère spécifique entièrement dédié à la réconciliation nationale et au développement des régions du nord démontre, a-t-il dit, la volonté du Gouvernement à promouvoir le développement des trois régions du nord. »

M. Kasse a cependant déploré « la série d’attaques asymétriques perpétrées par des bandes criminelles contre les populations civiles, les forces armées maliennes et les troupes de la MINUSMA » qui montrent que les groupes terroristes sont en train de se réorganiser. Face à cette menace, qui pourrait s’accroître avec la réduction progressive de la force Serval, la MINUSMA doit être dotée de moyens adéquats pour s’acquitter de son mandat et répondre ainsi aux objectifs stratégiques du Gouvernement malien, a-t-il estimé. Le Conseil de sécurité ne doit pas accepter que « Kidal demeure une bourse régionale du terrorisme, des narcotrafiquants et des preneurs d’otages », a-t-il martelé.

Revenant ensuite sur les incidents du 28 novembre dernier à Kidal, au cours desquels « des individus à la solde du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) » avaient empêché le Premier Ministre de se rendre dans la ville, il a fortement démenti les observations figurant dans le rapport du Secrétaire général selon lesquelles les Forces armées maliennes auraient tiré sur les manifestants, blessant ainsi quatre personnes.

Au nom de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le représentant de la Côte d’Ivoire s’est inquiété de la situation extrêmement fragile qui prévaut dans la région de Kidal, comme l’illustre le double assassinat des journalistes français Gislaine Dupont et Claude Verlon le 2 novembre dernier. Il a dénoncé « la guerre asymétrique sous formes d’attaques sporadiques des jihadistes contre les Forces armées maliennes et les forces internationales ».

Sur le plan humanitaire, le représentant a salué la baisse, constatée par des institutions humanitaires le 27 novembre dernier, du nombre de personnes déplacées, et l’accélération du retour des réfugiés. Il a également salué l’amélioration de la situation des droits de l’homme au Mali, ainsi que l’accélération de la lutte contre l’impunité comme en attestent les arrestations récentes de l’ex-chef de la junte militaire, le général Amadou Haya Sanogo et de certains membres de son entourage. Il a enfin rappelé que la réunion ministérielle sur la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, qui s’était tenue à Bamako le 5 novembre dernier, avait permis de réaffirmer « le lien intrinsèque entre la paix, la sécurité et le développement, ainsi que la nécessité de mettre en place des projets structurants pour le développement du Sahel ».

  • S/2014/1

LA SITUATION AU MALI

Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali (S/2014/1)

Depuis l’élection présidentielle au Mali, des progrès remarquables ont été accomplis dans l’effort de stabilisation du pays, note le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, dans son rapport qui couvre la période du 30 septembre au 21 décembre 2013. Il constate en effet que les élections législatives se sont déroulées de façon pacifique et transparente et que le Gouvernement malien a pris des initiatives destinées à lancer un processus de consultation: il a ainsi organisé les états généraux de la décentralisation, les assises nationales sur le nord et les assises locales et régionales sur Gao. De leur côté, les parties en présence ont pris des mesures visant à appliquer l’accord préliminaire.

Le Secrétaire général note également avec satisfaction que les groupes armés ont rendu au Gouvernement malien les locaux du gouvernorat et de la station de radio à Kidal. Il salue aussi les efforts déployés par son Envoyé spécial, en collaboration avec l’Union africaine, la CEDEAO, l’Union européenne et d’autres partenaires clefs, pour appuyer les négociations qui ont permis d’aboutir à ces gestes de bonne volonté.

La route est encore longue pour asseoir l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays et rétablir la paix et la stabilité au Mali, estime cependant le Secrétaire général, qui engage les groupes armés à soutenir activement ce dialogue ouvert, ainsi que les processus de cantonnement et de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), conformément à la résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité et l’accord préliminaire. Il invite tous les acteurs maliens à décider d’une feuille de route organisant le plus rapidement possible des négociations ouvertes à tous.

M. Ban rappelle que, lors de sa visite au Mali, du 4 au 6 novembre 2013, le Président Ibrahim Boubacar Keita avait souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la crise en améliorant la gouvernance, protégeant les droits de l’homme et établissant l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays. Le Président malien a aussi insisté sur la nécessité d’instaurer un dialogue national ouvert à tous, de lancer un processus de réconciliation et de préparer les élections législatives en associant toutes les parties concernées.

Les conditions de sécurité qui règnent dans le nord du Mali demeurent précaires, déplore-t-il. Il condamne avec la plus grande fermeté les attaques de Tessalit et de Kidal, qui ont causé la mort de quatre soldats de la paix, ainsi que l’assassinat de deux journalistes français, également à Kidal. Le Gouvernement malien, a-t-il souligné, doit traduire en justice les responsables de ces actes odieux.

M. Ban exhorte les parties à l’accord préliminaire à s’abstenir de tout acte de provocation et de violence et à travailler ensemble à garantir la sécurité de l’ensemble des Maliens, et, dans cette perspective, à prendre notamment des mesures de renforcement de la sécurité dans le nord, à faciliter le retour des réfugiés et à veiller au déploiement progressif des administrations locales et des forces de sécurité et de défense sur l’ensemble du territoire. La seule solution consiste, selon lui, à combiner des initiatives et une coopération militaires concrètes, le lancement de négociations politiques ouvertes à tous et la réalisation de progrès en vue d’un relèvement rapide. M. Ban met également l’accent sur la nécessité de renforcer la coopération internationale pour lutter contre les difficultés auxquelles doit faire face la région du Sahel.

Pour que la communauté internationale reste engagée dans ce dossier, le Secrétaire général engage le Gouvernement malien à mettre en place un cadre de concertation associant l’ONU et la communauté internationale, conformément aux dispositions de la résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité et à l’accord préliminaire, pour accompagner le processus ouvert de pourparlers et de négociations avec les parties signataires de l’accord. Le Comité de suivi et d’évaluation et la Commission technique mixte de sécurité ont progressé dans l’application des dispositions de l’accord de cessez-le-feu, parmi lesquelles l’établissement de sites de cantonnement. Cependant, il demande que les parties conviennent au plus vite de nouvelles mesures de cantonnement et d’un programme effectif de DDR. Il demande en outre à la communauté internationale de fournir à la MINUSMA le soutien dont elle a besoin, en mobilisant notamment des ressources et appuis supplémentaires.

Le Gouvernement du Mali doit également accélérer la fourniture de services de base à la population et qu’il la fasse bénéficier des retombées de la paix et créer les conditions propres à favoriser le retour des réfugiés et des déplacés ainsi que leur réintégration dans leurs communautés, en veillant à ce que ces personnes n’aient pas à craindre de représailles. Notant avec préoccupation que près d’un demi-million de personnes sont déplacées et qu’au moins 1,4 million de personnes ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence, M. Ban invite la communauté internationale à accroître l’aide qu’elle apporte aux populations touchées, notamment les femmes et les enfants, et à répondre pleinement à l’appel global pour le Mali, pour lequel seulement 50% des fonds ont été mobilisés. La crise, a-t-il rappelé, a touché tous les Maliens, y compris dans le sud du pays.

M. Ban se félicite de l’adoption du Plan pour la relance durable du Mali pour la période 2013-2014, du Programme d’urgence pour la relance du développement dans les régions du nord, ainsi que du programme d’action et des orientations et priorités stratégiques du Gouvernement pour la période 2013-2018. Pour assurer leur mise en œuvre, il exhorte les autorités maliennes et la communauté internationale à tenir les engagements pris à la conférence des donateurs de haut niveau pour le développement du Mali, tenue à Bruxelles, le 15 mai 2013. Il invite le Président Keita et son gouvernement à s’attaquer, à titre prioritaire, aux problèmes de gouvernance afin de rétablir le fonctionnement efficace de l’État, notamment en menant à bien la réforme institutionnelle et la réforme du secteur de la sécurité, en ouvrant un dialogue national et en promouvant la réconciliation et la justice. Il souligne aussi l’importance de la lutte contre la corruption et la criminalité organisée et du renforcement des mécanismes de responsabilisation.

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