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Burundi

Genève : le comité contre la torture entame un examen spécial sur le Burundi

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Le Burundi avait déjà présenté le 12 novembre 2014 son 2ème rapport périodique lors de la 53e session du Comité de l'ONU contre la torture. Donc normalement, Bujumbura aurait dû attendre au moins 4 pour un nouvel examen de la situation du pays. Mais le comité a tenu à procéder à un examen spécial de la situation au Burundi dès aujourd'hui, et ce pendant deux jours. Une procédure exceptionnelle puisqu'elle n'a été utilisée qu'à deux reprises par le passé à savoir Israël en 1997 et la Syrie en 2012. Et dans le cas du Burundi, le comité a donc jugé nécessaire, au vu de la détérioration de la situation des droits de l'homme, d'examiner les allégations de torture, d'exécutions extrajudiciaires et de violences politiques.

C'est une délégation de sept membres conduite par la Ministre de la Justice Mme Aimée Laurentine Kanyana qui s'est présentée ce jeudi matin à Genève devant le Comité contre la torture. Et c'est donc partie pour deux jours de séances de questions-réponses entre les officiels de Bujumbura et les membres du comité composé de dix experts indépendants pour mesurer les avancées des enquêtes sur les violations des droits de l'homme. Pendant trois heures, ces derniers se sont penchés sur les graves abus au Burundi. Et certains experts se sont préoccupés de l'augmentation des cas de torture avec l'intensification de la crise politique. Des actes sont principalement commis au moment de l'arrestation ou dans les centres de détention.

Essadia Belmir, Vice-Président du Comité contre la torture : « On torture pour avoir des aveux, et bien sûr pour punir, des aveux subtilisés contre les victimes ».

La demande du comité contre la torture porte notamment sur les enquêtes menées, ou non, par le gouvernement du Burundi. Il s'agit des allégations d'exécutions sommaires, arrestations arbitraires, tortures et mauvais traitements contre les membres de l'opposition, les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme et leurs familles et toute autre personne perçue comme soutenant l'opposition. Le Comité a également demandé des explications sur l'attaque par balle du défenseur des droits de l'homme Pierre-Claver Mbonimpa et le meurtre de son fils. De façon plus générale, l'expert français et Rapporteur du Comité nous détaille les préoccupations de cet organe onusien.

« La question des Imbonerakure, la question des assassinats et des actes de harcèlement d'opposants politiques, la question des actes de répression de manifestations, celle des arrestations arbitraires et des détentions illégales, fait remarquer Sébastien Touzé. Je traiterai également de la question des fosses communes, des violences sexuelles, des violences ethniques ».

Lors de cette première séance au Palais Wilson, il a surtout été question des allégations d'actes de torture commis par le Service national de renseignements et la forte implication des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure que certains experts ont même qualifié de milices.

« L'on constate que des actes de torture, des exécutions sommaires et des arrestation puissent être imputées aux Imbonerakure et que ceux-ci agissent en coopération avec les services de sécurité régulière, a souligné Sébastien Touzé. Je souhaiterai donc avoir plusieurs informations sur ce groupe afin de déterminer les liens réels qui existent entre lui et les autorités de l'Etat partie ».

Autre source de préoccupation, l'incitation à la haine et le développement d'une rhétorique de plus en plus ouvertement ethnique.

Abdelwahab Hani, membre du Comité contre la Torture : « Le discours de la haine qui est porté parfois par des officiels, par des responsables du parti au pouvoir qui a une obligation de respecter la Loi et d'assurer la sécurité de l'ensemble de ses citoyens qu'ils soient d'accord avec le pouvoir en place, avec la majorité politique en place ou qu'ils soient dans l'opposition ».

Dans son discours liminaire, la Ministre de la Justice a qualifié certaines allégations de tendancieuses.

« Le Gouvernement de la République du Burundi voudrait attirer l'attention de l'auguste assemblée qu'a maintes reprises, il fait connaissance uniquement à travers la presse, de l'existence de certains rapports par ailleurs tendancieux contenant des allégations très graves des droits de l'homme au Burundi, a prévenu Aimée Laurentine Kanyana. L'impunité dont fait mention le Comité relève des informations non éclairées, fondées sur des préjugés, des stéréotypes et de la stigmatisation ».

La délégation burundaise répondra aux question des experts demain vendredi après-midi. Le Comité fera ses observations finales lors de la clôture de sa présente session le 12 août prochain.

(Correspondance d'Alpha Diallo à Genève ; avec des extraits sonores de Mme Aimée Laurentine Kanyana, Ministre de la Justice du Burundi ; Essadia Belmir, Vice-Président du Comité contre la torture ; Sébastien Touzé, Rapporteur du Comité ; et Abdelwahab Hani, membre du Comité contre la Torture)